Dernière réforme de la loi sur les baux à Bruxelles : quelques aspects pratiques pour les bailleurs

Le CRI n°484 - Mai 2024
Dernière réforme de la loi sur les baux à Bruxelles : quelques aspects pratiques pour les bailleurs

Le Parlement bruxellois vient de modifier la loi sur le bail à Bruxelles, également dénommée Code Bruxellois du Logement (CBL).

L’entrée en vigueur est prévue 6 mois après la publication au Moniteur belge ; nous informerons nos membres de cette date d’entrée en vigueur.

De nombreux points méritent notre attention.

1. Renforcement de l’encadrement des loyers pour les baux de courte durée

Bien que la loi interdisait déjà toute augmentation du loyer autre que son indexation entre deux baux de courte durée, la nouvelle loi devient plus précise : tout bail de courte durée (max 3 ans) devra indiquer le loyer « appliqué au précédent locataire » sous peine d’amende pouvant aller jusque 200 euros.

Cette disposition ne s’applique pas aux baux de 9 ans.

Qu’entend-on par le « loyer appliqué » ?

L’exposé des motifs se réfère à la loi française qui utilise cependant une terminologie plus précise : « le montant du dernier loyer ».

Cela veut dire qu’un bailleur qui a omis de solliciter l’indexation du loyer devra indiquer le dernier loyer sans indexation.

Cette omission d’indexation est-elle perdue ?

Non, car l’article 238 CBL n’a pas été modifié en ce sens et a maintenu le terme de « loyer de base ».

Ainsi, on verra des baux où le dernier loyer appliqué ne sera pas le même que celui du premier loyer demandé auprès d’un locataire entrant, dès lors que l’indexation peut être appliquée entre les deux baux.

Par ailleurs, la nouvelle législation s’applique indépendamment du fait qu’il a été mis fin anticipativement au bail ou pas, même si c’est le locataire qui a pris l’initiative de rompre le bail.

Alors que le but du législateur était de protéger les locataires contre des congés donnés par le bailleur dans le seul but d’augmenter le loyer avec un nouveau locataire, la loi généralise la mesure dans toutes les situations de baux de courte durée, même si le locataire quitte les lieux à sa demande.

Il s’agit en fait d’un encadrement du loyer des baux de courte durée successifs.

2. Limitation à deux baux de courte durée pour une période cumulée de 3 ans maximum

Bruxelles revient à l’ancienne législation qui limite la succession des baux de courte durée avec le même locataire, une prorogation maximum sans dépasser trois ans en tout.

Il ne sera plus possible de convenir de plus de deux baux de courte durée maximum avec le même locataire. Il reste évidemment interdit de dépasser une durée totale de trois ans.

Sanction en cas de non-respect : la durée du bail sera automatiquement transformée en un bail de 9 ans, avec comme point de départ le début du premier bail de courte durée.

Cette législation est identique à celle pratiquée en Flandre et en Wallonie, sauf que la Wallonie autorise deux prorogations maximums à l’intérieur de la période cumulée de trois ans.

A noter que la loi actuelle permet au bailleur de donner congé à un bail de courte durée au-delà de la première période d’un an pour occupation personnelle. Dans ce cas, le locataire pourra donner dorénavant un contre-préavis d’un mois, sans devoir supporter d’indemnité.

3. Réductions supplémentaires pour la garantie locative

A Bruxelles et en Wallonie la garantie locative ne peut pas dépasser 2 mois de loyer et des charges. En Flandre, c’est repassé à 3 mois.

Bruxelles a également décidé de supprimer la possibilité de demander un cautionnement en plus de la garantie locative.

C’est soit la garantie de deux mois, soit le cautionnement.

Sauf pour les baux étudiants ou les deux sont autorisés.

4. Le bailleur ne doit pas trainer pour restituer la garantie

Avec la nouvelle législation, le bailleur devra « libérer » la garantie dans les deux mois à compter de la remise des clefs, sauf contentieux.

Si le bien loué est un appartement, ce délai est prorogé jusqu’à l’établissement des comptes par le syndic. Assez curieusement, la loi parle d’un blocage partiel mais sans précision.

La sanction est une indemnité de 10% du loyer mensuel par mois de retard, tout mois commencé étant compté en entier.

Il nous semble qu’il y a toutefois moyen de contester cette sanction à défaut de mise en demeure par le locataire.

5. Les critères d’insalubrité sont renforcés

Cela concerne essentiellement les biens qualifiés d’insalubres, mais la nouvelle législation confère plus de pouvoir d’appréciation au gendarme des bailleurs, le Service d’Inspection Régionale, plus connu sous l’abréviation DIRL.

Ce que les bailleurs doivent retenir c’est qu’ils pourront à nouveau demander une vérification du logement mis en location appelé « Certificat de Contrôle de Conformité ».

C’est une faculté offerte aux bailleurs qui ont un doute quant à l’état du bien loué.

Le SNPC conseille vivement aux bailleurs qui mettent en location des logements « vieillots » par rapport aux normes actuelles, de recourir à cette certification à titre préventif car les sanctions seront importantes en cas de mise en location d’un logement déclaré insalubre.

Actuellement, ce certificat, appelé « attestation » ne peut être demandé que si le logement a été déclaré insalubre ; la nouvelle législation va ouvrir cette possibilité à toutes les locations.

Le coût actuel est raisonnable (50€), il faut toutefois espérer que les moyens de la DIRL seront renforcés afin que le délai d’attente ne soit pas trop long.

6. Sanctions aggravées en cas d’insalubrité

Actuellement, la DIRL réfléchit à deux fois avant de déclarer un logement insalubre car elle sait que les locataires auront de grandes difficultés à trouver une solution de relogement, sauf à s’adresser aux services du logement social public, mais la liste d’attente est submergée avec 47.000 ménages en attente.

Cela pourrait changer avec la nouvelle législation car le bailleur qui se voit sanctionné au motif que le bien est déclaré insalubre, risque de multiples sanctions :

  • remboursement des frais exposés par le locataire ou par les services communaux pour le relogement (évacuation, transport et installation dans le nouveau logement) ;

  • intervention dans le nouveau loyer du logement qui sera pris en location par le locataire à la suite de la fermeture du logement qu’il occupait, à raison de la différence entre le loyer du logement déclaré insalubre et le loyer du nouveau logement. Il appartient au juge de paix de fixer la durée de cette intervention avec un maximum de 18 mois.

Sur cette « allocation loyer » imposée à l’ancien bailleur, la nouvelle loi précise que le nouveau loyer ne doit pas être « abusif », sans autre précision de ce qu’il faut entendre par « abusif » si ce n’est que l’article 224 déclare « abusif », un loyer qui dépasse de 20% le loyer de référence.

La sanction est possible dans trois situations :

  1. le bail est « caduc » du fait d’une interdiction de louer

  2. le bail est frappé de « nullité » au motif d’insalubrité

  3. le bail est résolu aux torts du bailleur

Ce n’est pas clair, mais il nous semble que la sanction ne s’appliquera qu’à la double condition qu’il y ait « faute » et que cette faute soit imputable au bailleur.

La loi parle en effet « d’une faute imputable au bailleur ». Cela veut dire que le bailleur connaissant ou devait connaître le risque qui a causé la caducité, la nullité ou la résolution, soit par la fraude à la loi, soit par une négligence coupable.

7. Travaux pour améliorer les biens en cours de bail : performance énergétique ou handicap

La loi actuelle avait déjà prévu cette possibilité.

On y ajoute les travaux pour répondre à une situation de handicap ou de perte d’autonomie.

La nouvelle législation accorde un délai de 90 jours au bailleur pour faire ces travaux, ainsi que la possibilité de convenir à l’avance d’une éventuelle augmentation du loyer « proportionnée à l’amélioration de la performance énergétique du bâtiment ».

Pour les travaux en vue de répondre à une situation de handicap, l’augmentation est déterminée en tenant compte du coût supporté par le bailleur.

Le gouvernement sera autorisé à proposer une méthode de calcul de cette révision de loyer.

A défaut d’accord, la (future) Commission Paritaire Locative peut être saisie par une des deux parties mais c’est le juge de paix qui tranchera définitivement si le désaccord devait persister.

8. Les charges locatives doivent être réelles et mieux définies dans le bail

Sauf si les parties ont convenu d’un forfait pour les charges, les charges doivent correspondre à la réalité.

La nouvelle législation veut que les baux soient bien explicites au sujet de ces charges : seuls « les postes libellés explicitement et énumérés limitativement dans le bail » peuvent être réclamés au locataire.

Il y a toutefois une exception pour « les charges exceptionnelles ou nouvelles » mais qui doivent toujours correspondre à des « dépenses réelles ».

Pour les appartements, la clef de répartition des charges doit être indiquée dans le bail (quotes-parts de copropriété dans les charges communes).

A noter qu’en cas de surconsommation d’eau, la facture de VIVAQUA ne peut excéder le tarif « fuite » aux conditions définies par la réglementation, pourvu que le bailleur ait été averti en temps utiles.

Le décompte des charges doit être établi par le bailleur dans les 12 mois, mais celui-ci ne peut réclamer les rectifications en cas d’erreur que dans les deux ans de l’établissement du décompte, au lieu des cinq ans prévus actuellement par le Code civil.

A noter que la rectification en faveur du bailleur est limitée à maximum 5 ans, celle en faveur du locataire ne l’est pas et peut être réclamée sur toute la durée de la location.

9. La réduction du précompte immobilier pour enfants à charge est étendue à la colocation

Il appartient au bailleur de restituer l’intégralité de la réduction au locataire concerné par cette réduction.

A noter qu’en cas de changement de locataire en cours d’année, la réduction est intégralement versée à « l' occupant présent » (sic) au 1er janvier.

Ainsi, si le locataire quitte au 31 janvier, il se peut que le bailleur soit tenu de restituer plus que le loyer versé !

10. Animaux dans les lieux loués

Nous savions déjà que les juges de paix n’accordaient pas de rupture anticipée du bail pour le cas où un locataire accueille un chat ou un chien dans son logement, à la condition qu’il n’y ait pas de plaintes du voisinage.

Dorénavant, le nouveau CBL stipule qu’ « est réputée non écrite toute stipulation du contrat de bail ou de ses annexes interdisant purement et simplement la détention d’un animal de compagnie dans les lieux loués », reprenant ainsi la jurisprudence constante des justices de paix ces dernières années.

Cette affirmation connait deux assouplissements :

  1. conditionner la détention d’animaux de compagnie à l’absence de nuisance et notamment de toute agressivité ;

  2. limiter le nombre d’animaux ou les espèces pouvant être détenues sur base de motifs raisonnables.

11. Pas de pénalité forfaitaire en cas de retard de payement de loyer autre que l’intérêt légal

Il ne sera dorénavant plus possible de réclamer une pénalité forfaitaire, comme par exemple 10% du loyer, en cas de retard de payement autre qu’un intérêt de retard calculé au taux légal, lequel ne pourra pas être augmenté forfaitairement d’un pourcentage supplémentaire.

12. Le bail devra indiquer un numéro de compte bancaire pour le versement des loyers, les paiements en espèces de la main à la main seront prohibés

On peut se demander qu’elle est la sanction lorsqu’un bailleur reçoit le payement en espèces et en donne bonne quittance ?

A noter que le compte bancaire du bailleur doit être indiqué dans le bail et dans toute mise en demeure ; il faut retenir ce dernier aspect pour éviter une éventuelle mise en cause de la validité de la mise en demeure.

13. Les actes notariés de vente devront reprendre des indications au sujet de la situation locative

Nous conseillons déjà de reprendre ces indications dans les compromis de vente, mais la loi en fait une obligation dans l’acte qui constate le transfert de propriété, généralement passé devant le notaire.

Ces indications obligatoires sont :

  • le fait que le bien est loué

  • les données du bail (qui ne sont pas précisées dans les travaux parlementaires)

A noter que toute clause qui réserve la faculté d’expulsion en cas d’aliénation est réputée non-écrite, pratique que nous n’avons cependant jamais rencontrée.

L’absence d’enregistrement du bail ne permet plus au nouvel acquéreur d’ignorer que le bien était loué, mais les conditions de congé sont légèrement différentes dans le chef d’un acquéreur lorsque le bail n’est pas enregistré.

Enfin, cette obligation d’information dans l’acte notarié est également applicable aux donations, aux concessions d’usufruit, d’emphytéose et de superficie.

14. Les bailleurs doivent être vigilants en cas de cession ou sous-location

Le principe de la cession de bail reste interdit sauf convention contraire ou accord « écrit et préalable du bailleur ».

La nouvelle loi a toutefois ajouté que si le bail autorise la cession et que le bailleur n’a pas réagi à la proposition de cession de bail dans trente jours de la réception du projet de cession, il est censé avoir accepté.

A noter que le locataire peut sous-louer les lieux avec l’accord exprès ou tacite du bailleur selon les conditions reprises dans la loi et qui sont restées inchangées.

Pour rappel, si c’est un bail de résidence principale, le locataire ne peut sous-louer qu’une partie, pas la totalité ; il doit en outre conserver sa résidence principale dans les lieux loués.

Une procédure était déjà prévue pour informer le propriétaire-bailleur du projet de sous-location, la nouvelle loi a prévu un devoir d’information entre le locataire principal et son ou ses sous-locataires.

15. Attention aux délais pour les congés !

Dans la loi actuelle les périodes de congé (préavis) prenaient cours « le premier jour du mois qui suit le mois durant lequel le congé est donné ».

Avec la nouvelle réglementation, cela devient plus compliqué :

  1. dans tous les cas où le congé peut être donné à tout moment, le délai de préavis prend cours le premier jour du mois qui suit le mois durant lequel le congé est donné. (inchangé)

  2. dans tous les autres cas, le délai de préavis prend cours le jour où le destinataire est présumé avoir eu connaissance du congé. D’après les commentaires, il s’agit des préavis envoyés en cours de bail ou à l’échéance du contrat, ce qui … n’est pas clair.

La différence est de taille car un envoi recommandé adressé l’avant-dernier jour ouvrable du mois se compte à compter du 1er du mois qui suit dans la première situation sub 1° alors que dans les situations sub 2°, il faut espérer que le facteur passe encore dans le mois en question pour s’assurer que le locataire avait bien la possibilité de recevoir le recommandé dans le délai.

Si la poste prend du retard, le délai est reporté d’autant.

Seul compte dès lors le jour où le destinataire est « présumé avoir eu connaissance » du document. Il s’agit concrètement, en cas d’exploit d’huissier, du jour de la notification ; en cas de recommandé avec accusé de réception, du jour où l'accusé de réception est signé ; en cas de recommandé, du jour de la présentation de lettre au domicile du preneur selon le commentaire de la Secrétaire d’Etat au Logement.

En outre, ne perdons pas de vue que « tous les autres cas » vise, comme souligné supra, l’hypothèse où, par exemple, un congé peut être donné 3 ou 6 mois avant l’échéance, respectivement, du bail de courte durée ou d’un triennat s’il s’agit d’un bail de 9 ans.

Prenons un exemple : un bail est conclu pour une durée de trois ans. Il prend cours le 12 avril 2025 pour se terminer le 11 avril 2028. Le congé de trois mois à donner pour y mettre fin doit, en vertu du CBL actuel, parvenir au locataire avant le 12 janvier 2028. Quid si le courrier recommandé parvient au locataire le 9 janvier 2028 ? Le préavis de trois mois court-il alors du 9 janvier 2028 au 8 avril 2028, comme le texte semble le dire ? Quid du respect des trois ans du bail ?

On voit déjà les problèmes juridiques qui ne manqueront pas, hélas !,de surgir…

16. Les expulsions sauvages seront d’avantage réprimées

Nous rappelons qu’il faut une décision judiciaire pour expulser une personne hors de son logement, même si cette personne est en défaut de payer son loyer.

C’est également possible par un acte notarié dans des circonstances bien définies comme la saisie-exécution immobilière ordonnée par un juge des saisies.

Nous ne commenterons pas plus cette situation n’ayant pas rencontré d’expulsion sauvage parmi nos membres.

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