L'année 2021, verra mettre en œuvre, tant en Région bruxelloise qu'en Région wallonne, les contrôles mystères pour lutter contre les discriminations à l'accès au logement et plus précisément en matière de location.
Ces mesures existent déjà en Région de Bruxelles-Capitale (voir encadré quant à la législation applicable) mais faute de moyens, elles ne sont pas encore effectives. Tel devrait cependant être le cas dans les prochains mois.
En Région wallonne, la législation devrait être votée courant 2021 et applicable en fin d'année ou début 2022. Une note d'orientation est passée au Gouvernement wallon en décembre dernier et ce sont les grands principes de cette dernière que nous allons commenter.
Si le SNPC est contre les discriminations (voir article page 10 sur la liberté de choix par un bailleur de son locataire), il s'interroge sur l'opportunité de ces contrôles mystères mais aussi sur les dérives potentielles qui risquent d'en découler en raison d'une part de leur caractère intrusif dans la vie privée et d'autre part de l'approche assez policière qui est envisagée. D'aucuns produisent des statistiques qui ne nous semblent pas des plus pertinentes et auxquelles on fait dire ce que l'on a envie de leur faire dire.
Les contrôles mystères consisteront en la réalisation de tests de discrimination qui devraient avoir les formes suivantes :
Un test de situation qui implique nécessairement une comparaison entre deux tests réalisés pour vérifier l'existence ou non d'une différence de traitement. La mise en relation entre la personne testée et les deux profils fait suite, en principe, à une offre locative. Il s'agit de présenter à un même bailleur ou agent immobilier deux profils qui ne diffèrent que sur un seul critère (un critère protégé) afin d'identifier une éventuelle attitude discriminante à l'égard de l'un des deux profils.
Un client mystère, réel ou fictif, qui présente une demande à un bailleur ou à un agent immobilier. Cette méthode permet de vérifier la bonne conformité aux législations et réglementations et de constater instantanément l'existence d'une infraction. Il peut s'agir de vérifier s'il n'y a pas de réponse positive à une injonction de discriminer ou à une demande illégitime de pièces justificatives. Il s'agit de se présenter auprès d'un bailleur privé ou d'un agent immobilier afin de vérifier si ce dernier commet ou non une infraction. Par exemple, pour l'agent immobilier, il s'agit de vérifier s'il accepte ou non de ne pas faire visiter un logement à une personne d'origine étrangère suite à la demande de son mandant ; pour un bailleur privé, il s'agit de vérifier qu'il ne demande pas à ses candidats locataires, l'obligation d'avoir un contrat de travail à durée indéterminée.
Les principes suivants sont préconisés par le Gouvernement wallon. Ils doivent encore faire l'objet d'un projet de décret sur le contenu duquel le Gouvernement wallon devra se mettre d'accord et dans le prolongement duquel des discussions et un vote au Parlement wallon devront avoir lieu.
Ces tests auront lieu :
Uniquement sous forme d'appels téléphoniques ou d'envois de mails et pas de visites ;
Les tests devront répondre aux conditions cumulatives suivantes :
Ne pas avoir de caractère provoquant ;
être réalisés par l'administration soit sur base de plainte ou signalement soit, d'initiative ;
L'IPI, FEDERIA, le SNPC et l'UWAIS souhaitent que les tests ne soient réalisés que lorsqu'une plainte a été déposée et écarter le pouvoir d'initiative de l'administration.
Il n'a pas été fait droit à cette demande car selon le Gouvernement wallon la réalisation des tests d'initiative permet de renforcer le caractère préventif de la mesure et de réagir plus rapidement en cas de discrimination. L'important étant l'effet dissuasif de la mesure et non la sanction qui en découle, l'objectif de la mesure ne sera pleinement rempli que si les tests peuvent être réalisés d'initiative. En effet, le test faisant suite à une plainte sera généralement réalisé même si le contrat de bail a déjà été signé sinon un sentiment d'impunité pourrait en découler pour les propriétaires ou mandataires concernés.
Néanmoins, il a été retenu que le futur avant-projet de décret prévoit qu'une méthodologie sera adoptée par le Gouvernement afin de définir des publics cibles de propriétaires qui pourraient faire l'objet d'un contrôle d'initiative (par exemple: des propriétaires récidivistes, des logements situés dans une zone géographique particulièrement concernée par la problématique, ...).
Si le test permet de conclure au non-respect de l'article 6 du Décret du 15 mars 2018 relatif au Bail d'Habitation, il constituera alors un élément permettant d'établir le fait infractionnel.
Dans le cadre de la réalisation de ces tests, le fonctionnaire de l'administration pourra utiliser une identité d'emprunt sans justifier de sa fonction ni du fait que les constatations faites à cette occasion peuvent être utilisées pour vérifier le respect des obligations prévues à l'article 6 précité ;
Le fonctionnaire de l'administration qui commettrait des infractions absolument nécessaires à l'exercice et à la finalité de sa mission serait exempté de poursuites et de peine (par exemple, le fonctionnaire qui, se faisant passer pour un bailleur, demanderait à un agent immobilier de discriminer pour tester sa réaction) ;
Pour le SNPC cette disposition est plus qu'interpellant dans un Etat de droit et l'exemple cité pour la justifier montre que l'on est clairement dans la provocation... Il a donc demandé la suppression de cette clause d'excuse mais le Gouvernement s'y est refusé en l'état car certaines formes de tests nécessitent de tester la réaction à une demande de discrimination.
Si le test conclut à une infraction, une audition sera proposée au contrevenant dans les 30 jours à dater de la réalisation du test et le contrevenant pourra se faire accompagner de la personne de son choix ;
à la suite de l'audition, le fonctionnaire de l'administration décide de poursuivre ou non la procédure ;
Lorsqu'une infraction est constatée, l'administration transmet le dossier au parquet afin qu'il puisse lancer des poursuites pénales. Si le parquet ne se saisit pas du dossier dans un délai à fixer, le contrevenant restera susceptible de se voir imposer une amende administrative en cas de récidive. Il faut dès lors faire la différence entre absence de saisine de la part du parquet et classement sans suite. En effet, si le parquet décide de classer le dossier sans suite en concluant à l'absence d'infraction, la procédure administrative prendra également fin.
Si le parquet ne se saisit pas du dossier, la procédure administrative se poursuivra et il est proposé d'instaurer une gradation des sanctions. En effet, la lutte contre les discriminations doit se voir en premier lieu comme une politique de prévention visant soit à éviter la commission des infractions soit à corriger le comportement des personnes ayant commis une infraction. Il est donc proposé que la première infraction constatée fasse, dans le chef d'un propriétaire ou d'un mandataire, l'objet d'un rappel à la loi. Une seconde infraction constatée ferait l'objet d'une amende dont le montant serait dissuasif.
Afin de s'assurer du respect du principe «non bis in idem», une concertation avec le parquet sera initiée avant la première lecture de l'avant-projet de décret mettant en œuvre les contrôles mystères afin de s'assurer de l'absence d'une double sanction (administrative et pénale) pour les propriétaires dont un comportement infractionnel aurait été constaté.
Pour le SNPC, à partir du moment où le parquet ne se saisit pas du dossier, c'est équivalent à un classement sans suite, rien ne justifie l'application d'amendes administratives.
Il sera laissé au contrevenant la possibilité d'introduire un recours contre la décision de sanction devant le Juge de Paix ;
Le SNPC a obtenu que contrairement à la Région de Bruxelles-Capitale, le recours se fasse devant une Autorité indépendante. A Bruxelles, c'est l'autorité qui sanctionne qui peut être saisie d'un recours contre sa décision !!!
Pour autant que la plainte ou le signalement ait été porté à la connaissance d'UNIA et que ce dernier ait été mandaté par la personne victime de discrimination, ledit rapport lui sera communiqué pour autant qu'il en fasse la demande.
Nos membres apprécieront ce qui potentiellement les attend. Celles et ceux qui feraient l'objet de ce type de contrôles mystères ne doivent pas hésiter à prendre contact avec le SNPC. Cas par cas, nous apprécierons avec eux comment réagir et au besoin se défendre. Le SNPC n'exclut pas non plus en regard de certains grands principes un recours devant la Cour constitutionnelle.
Région de Bruxelles-Capitale-Législation applicable
Les articles 214 bis et 214 ter du Code bruxellois du Logement sont le siège de la matière et ils précisent :
Art. 214bis.
§ 1er. Sans préjudice des articles 6 et 20, le Service d'inspection régionale du Service public régional de Bruxelles a pour mission de contrôler le respect des obligations prévues par ou en vertu des articles 194, 200biset200ter,§§1eret3. Les agents du Service d'inspection régionale ont qualité pour rechercher et constater par procès-verbal, faisant foi jusqu'à preuve du contraire, les infractions aux articles précités. Ils peuvent, dans l'exercice de leur mission, réaliser des tests de discrimination en matière d'accès au logement qui peuvent avoir les formes suivantes :
1° le test de situation qui permet d'identifier de manière contrôlée une éventuelle différence de traitement fondée sur un critère protégé tel que visé à l'article 193 ; deux sujets ou plus, réels ou fictifs, présentant des profils similaires qui ne diffèrent significativement que par le critère à tester, manifestent leur intérêt ou présentent leur candidature auprès d'un propriétaire ou d'un agent immobilier, à la suite de quoi les réponses sont comparées, en vue de vérifier leur conformité à la législation ;
2° le client mystère est un client ou un candidat réel ou fictif qui présente une demande à un propriétaire ou à un agent immobilier en vue de vérifier la conformité au droit de la réponse donnée.
§ 2. Lorsque le test de discrimination est réalisé par les agents du Service d'inspection régionale, ceux-ci peuvent utiliser une identité d'emprunt sans devoir se justifier de leurs fonctions ou du fait que les constatations faites à cette occasion peuvent être utilisées pour vérifier le bon respect des articles 194, 200bis et 200ter, §§ 1er et 3.
§ 3. Le test de discrimination répond aux conditions cumulatives suivantes :
1° il ne peut pas avoir un caractère provoquant :
a) il doit se borner à créer l'occasion de mettre à jour une pratique discriminatoire en reproduisant, sans excès, un processus de transmission d'informations à de potentiels locataires, de sélection de locataires et de conclusion de contrat de bail ;
b) il ne peut pas avoir pour effet de créer ou de renforcer une pratique discriminatoire alors que la personne soumise au test de discrimination n'avait aucune intention en la matière ;
2° il n'est utilisé qu'à la suite de plaintes ou de signalements ;
3° il n'est utilisé que sur la base d'indices sérieux de pratiques susceptibles d'être qualifiées de discrimination directe ou indirecte pouvant donner lieu à une sanction en application de l'article 214ter.
§ 4. Le test de discrimination réalisé conformément à la présente disposition, s'il est positif, est constitutif d'un fait permettant de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte susceptible de sanction en application de l'article 214ter.
§ 5. Si le test de discrimination est positif, le Service d'inspection régionale procède à des auditions conformément à l'article 214ter, § 3.
§ 6. L'ensemble des actions réalisées lors du test de discrimination et ses résultats sont consignés dans un rapport.
Ce rapport contient a minima le procès-verbal de l'audition visée au paragraphe 5, le cas échéant les raisons qui justifient l'accomplissement d'infractions absolument nécessaires à l'exercice et à la finalité des missions.
Art. 214ter.
§ 1er. Lorsqu'une discrimination est constatée par le Service d'inspection régionale ou lorsque ce dernier réalise un test de discrimination révélateur d'une discrimination directe ou indirecte en application de l'article 214bis, le procès-verbal constatant une infraction visée aux articles 194, 200bis et 200ter, §§ 1er et 3, et reprenant les informations visées à l'article 214bis, § 6, est transmis au procureur du Roi selon les formes et délais prévus par le Gouvernement.
Le procureur du Roi notifie au fonctionnaire dirigeant du Service d'inspection régionale sa décision de poursuivre ou de ne pas poursuivre l'auteur présumé d'une infraction aux articles 194, 200bis et 200ter, §§ 1er et 3, dans le délai prévu par le Gouvernement.
La décision du procureur du Roi de poursuivre le contrevenant exclut l'application d'une amende administrative alternative.
La décision du procureur du Roi de ne pas poursuivre le contrevenant ou l'absence de décision dans le délai imparti en vertu de l'alinéa 1er permet l'application d'une amende administrative alternative.
§ 2. Le montant de l'amende administrative s'élève entre 125 euros et 6.200 euros. Ce montant varie en fonction du nombre de critères protégés, tels que définis à l'article 193, 1°, sur lesquels sont fondés la discrimination.
Ce montant peut être réduit en dessous du minimum légal en cas de circonstances atténuantes.
En cas de récidive de la part du même contrevenant dans les cinq ans qui suivent une décision infligeant une telle amende administrative, les montants visés à l'alinéa précédent peuvent être doublés.
§ 3. Avant l'envoi au procureur du Roi du procès-verbal visé au paragraphe 1er, le contrevenant mis en cause est entendu par le fonctionnaire dirigeant du Service d'inspection régionale ou par l'agent qu'il délègue à cette fin.
La personne auditionnée peut être accompagnée de la personne de son choix lors de ces auditions.
Le fonctionnaire dirigeant du Service d'inspection régionale peut décider, le cas échéant, à la suite de l'audition, de poursuivre ou non la procédure.
Le Gouvernement précise les modalités organisationnelles relatives à l'audition.
§ 4. Sur proposition du fonctionnaire dirigeant du Service d'inspection régionale, le montant de l'amende administrative peut être réduit de moitié moyennant le suivi d'une formation en lien avec la lutte contre la discrimination dans l'accès au logement et dont le contenu a été préalablement validé par le fonctionnaire dirigeant.
Lorsque le contrevenant est une personne morale, exerçant une activité d'agence immobilière, tous les membres du personnel en relation avec la clientèle sont tenus de suivre la formation, sauf décision contraire du fonctionnaire dirigeant du Service d'inspection régionale.
§ 5. Le contrevenant peut introduire un recours suspensif devant le Gouvernement ou le fonctionnaire délégué selon la procédure et les modalités prévues par le Gouvernement. En cas d'audition, le délai pour statuer est prorogé de trente jours. A défaut de décision dans les délais requis, la décision infligeant une amende administrative est infirmée.
§ 6. Les modalités de perception de l'amende administrative alternative sont établies par le Gouvernement.
§ 7. Le paiement de l'amende administrative éteint l'action publique.
§ 8. Les décimes additionnels visés à l'article 1er, alinéa additionnels sur les amendes pénales sont également 1er, de la loi du 5 mars 1952 relative aux décimes applicables aux amendes administratives.
L'arrêté d'exécution a été adopté en date du 21 mars 2019 et mentionne :
Article 1er. Le procès-verbal qui constate une infraction en application de l'article 214ter du Code bruxellois du Logement est transmis par recommandé en un exemplaire au Procureur du Roi dans les quinze jours qui suivent l'audition du contrevenant. L'audition est organisée au plus tard dans les soixante jours qui suivent la constatation de l'infraction. Ces délais sont prolongés de trente jours en cas d'absence justifiée du contrevenant. Le procureur du Roi notifie au fonctionnaire dirigeant du Service d'Inspection régionale dans les quarante-cinq jours de la date d'envoi du procès-verbal sa décision de poursuivre ou de ne pas poursuivre le contrevenant. Ce délai est suspendu si le procureur du Roi notifie dans ce délai au fonctionnaire dirigeant du Service d'Inspection régionale sa décision d'ordonner un complément d'enquête pour lui permettre d'apprécier en toute connaissance de cause s'il y a lieu de poursuivre le contrevenant ou de lui proposer de mettre fin à l'action publique en application des articles 216bis et 216ter du Code d'instruction criminelle.
Art. 2. Le contrevenant mis en cause est convoqué à l'audition par lettre recommandée au moins deux semaines avant la date effective de l'audition.
Art. 3. Le contrevenant qui conteste la décision du fonctionnaire dirigeant du Service d'inspection régionale visant à infliger une amende administrative telle que prévue à l'article 214ter, § 2 du Code bruxellois du logement, introduit un recours suspensif, par recommandé auprès du Ministre qui a le Logement dans ses attributions ou du fonctionnaire délégué à cette fin par ce dernier, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision. Le Ministre qui a le logement dans ses attributions ou le fonctionnaire délégué à cette fin par ce dernier, se prononce dans les trente jours à dater de la réception du recours. Il peut ordonner une nouvelle audition, auquel cas ce délai est prolongé de trente jours. Dans cette hypothèse, le contrevenant est auditionné par le fonctionnaire délégué. Le résultat de l'audition est communiqué au fonctionnaire délégué, ainsi qu'au contrevenant.
Art. 4. Le paiement des amendes administratives s'effectue conformément aux dispositions de l'article 10, § 4 du Code bruxellois du Logement.