La pollution peut-elle aussi contaminer votre vente ?

Le CRI n°495 - Juin 2025
La pollution peut-elle aussi contaminer votre vente ?

Dans la mouvance de la prise de conscience écologique qui marque notre société, la Région Wallonne, soucieuse de préserver ses ressources géologiques et d’offrir ainsi à ses citoyens une certaine qualité de vie, a suivi le pas de ses consœurs flamandes et bruxelloise en adoptant un décret protégeant de manière concrète le sol : le Décret wallon du 1er mars 2018 relatif à la gestion et à l’assainissement des sols aussi appelé Décret Sol, entré en vigueur le 1er janvier 2019.

Loin de nous l’idée de procéder à une analyse complète de ce décret en vigueur depuis plusieurs années, mais il nous a toutefois paru intéressant de nous arrêter plus spécifiquement sur un cas pratique rencontré : la cession d’un bien dont le notaire découvre – au moment de la rédaction du compromis - qu’il est potentiellement pollué.

Cette situation est visée par l’article 31 du Décret Sol, qui instaure une obligation spécialisée d’information quant à l’état du sol d’un terrain cédé à savoir la transmission, lors de la phase de discussion et avant tout accord, d’un certificat B.D.E.S. (Banque de Données de l'Etat des Sols) au potentiel acquéreur. A défaut d’avoir communiqué ce certificat en temps utile, et s’il s’avère que le terrain est repris comme potentiellement pollué, la nullité de la cession pourra être demandée par l’acquéreur.

1. Qui est concerné par l’obligation de transmission du certificat B.D.E.S. ?

Est concernée par cette obligation toute personne entendant céder son terrain (cette notion englobant les constructions bâties sur ledit terrain) ou un permis d’environnement.

Cette cession s’entend au sens le plus large. Elle vise aussi bien la vente que la donation du terrain ou permis d’environnement, tout comme un acte de renonciation entrainant la naissance d’un nouveau droit réel, tel la renonciation à un droit d’usufruit. Sont également visés la concession d’un bail de plus de 9 ans ou la constitution d’une hypothèque sur ledit terrain (bâti ou non).

Ne sont cependant pas concernées par cette obligation d’information toute une série d’opérations de cessions réalisées dans le cadre familial (ex : cession d’un terrain entre époux ou cohabitants légaux, apport d’un terrain dans la communauté de biens, cession d’un terrain dans le cadre d’une succession, etc.) et les actes intervenant dans le contexte d'une copropriété forcée . (Pour une liste complète des exceptions à l’obligation de la transmission du certificat B.D.E.S – voir l’article  1, 3°, a) etb) de l’arrêté du Gouvernement wallon du 6 décembre 2018 relatif à la gestion et à l'assainissement des sols.)

2. Qu’est-ce qui doit être transmis précisément ?

Le cédant concerné par le Décret Sol (soit celui s’étant reconnu dans la description réalisée au point 1.) devra demander à l’administration la délivrance de l’extrait conforme de la B.D.E.S.

Cette demande peut se faire par envoi recommandé ou par voie électronique (plus d’informations sur le site de la Région Wallonne).

Lorsque la demande est introduite par le biais de la procédure électronique, l’extrait conforme est immédiatement disponible sur le portail environnement de Wallonie après paiement du droit de dossier. Actuellement, ce dernier s’élève à 30 euros par parcelle (cadastrée ou non) et est plafonné à un montant de 320 euros ; chaque parcelle supplémentaire impliquant un supplément de 10 euros. L’extrait ainsi obtenu reprendra le code couleur affecté à la parcelle concernée : la pollution avérée est de couleur rouge, le risque de pollution du sol est en orange et le terrain n’étant pas pollué se verra quant à lui décerner la couleur verte.

Il est également possible que la B.D.E.S. indique qu’elle n’a pas de code couleur assigné pour la parcelle (cas d’un certificat vierge). Quel que soit le résultat du certificat, celui-ci doit être transmis au cessionnaire / acquéreur.

Cette transmission du certificat B.D.E.S. est vue comme un devoir d’information préalable à la cession . (Erneux, P.-Y.-Y. et Leprince, S., « Le décret wallon du 1 er mars 2018 relatif à la gestion et à l'assai-nissement des sols et la cession de terrain », J.T., 2020/9, n° 6805, p. 153-166 et Cass. 22 mars 2018.) Cela implique, en principe, que ce certificat doit être transmis avant même l’accord de principe de la cession – soit, dans le cadre d’une vente immobilière, avant l’offre d’achat. Le compromis n’est en effet que la matérialisation de l’accord déjà conclu par l’acceptation de l’offre.

Nous invitons donc toute personne souhaitant mettre en vente son bien à solliciter copie de ce certificat qui reste valable pendant un an. L’agent immobilier diligent veillera également à obtenir ce certificat avant la mise en vente.

3. Conséquences de l’absence de transmission en fonction de la couleur :

3.1. Le certificat B.D.E.S. classe la parcelle en vert ou est vierge :

L’obligation de transmission du certificat subsiste, tout comme l’inscription des mentions suivantes dans le compromis de vente :

« 1° le contenu du ou des extrait(s) conforme(s) de la banque de données de l'état des sols;

2° la déclaration du cédant ou de son représentant qu'il a informé le cessionnaire, avant la formation du contrat de cession, du contenu du ou des extrait(s) conforme(s) ;

3° la déclaration du cessionnaire ou de son représentant établissant qu'il a été informé du contenu du ou des extrait(s) conforme(s) ;

4° en cas de cession de gré à gré, la destination que le cessionnaire entend assigner au terrain et la décision des parties de faire ou non entrer cette destination dans le champ contractuel ;

5° la déclaration du cédant ou de son représentant, sans que l'on exige de lui des investigations préalables, qu'il ne détient pas d'information supplémentaire susceptible de modifier le contenu du ou des extrait(s) conforme(s) »

Néanmoins, le non-respect d’une de ces obligations n’aura en principe aucune conséquence sur la validité de la vente. Cela est logique : l’objectif de la loi est de protéger les acquéreurs contre l’achat – inconscient - d’un bien pollué ou à risque, ce qui justifie l’obligation d’information préalable au travers du transfert du certificat.

Néanmoins, s’il s’avère in fine que le bien n’est pas classé comme tel à la B.D.E.S, l’absence de transmission du certificat n’aura pas eu d’incidence pour l’acquéreur qui ne pourra donc pas se retrancher derrière ce défaut d’information pour faire annuler la vente.

3.2. Le certificat B.D.E.S classe la parcelle en orange ou rouge :

En revanche, si le certificat reprend une couleur orange ou rouge, les conséquences peuvent être beaucoup plus graves pour le cédant / vendeur.

Si le terrain est repris à la BDES en risque de pollution (soit en orange) implique en effet une obligation légale de réaliser une analyse du sol qui peut durer plusieurs mois, coûter quelques milliers d’euros, et encore beaucoup plus s’il s’avère à la suite de l’analyse qu’une dépollution est nécessaire (laquelle l’est d’office pour un terrain repris en rouge).

Dans ce cas, la transmission du certificat B.D.E.S. préalablement à la vente prend toute son importance, puisqu’il est question pour le législateur de s’assurer que le cessionnaire / l’acquéreur achète le terrain concerné en pleine connaissance des démarches qui devront être réalisés sur le terrain ainsi pollué ou à risque de pollution.

Si le certificat a été transmis et que le compromis reprend les mentions obligatoires confirmant que l’acquéreur est conscient de l’achat d’un terrain à risque de pollution / pollué, la vente sera valide. Dans le cas contraire, la vente pourra être attaquée en nullité par l’acquéreur.

Ainsi, imaginons qu’un propriétaire de terrain souhaite vendre sa parcelle. Il ignore sa situation B.D.E.S. et se contente de mettre ladite parcelle en vente au travers d’Immoweb. Un potentiel acquéreur se manifeste et formule une offre d’achat, qui est acceptée. Le compromis est signé au travers d’un modèle sans recherche préalable du notaire. Au moment de la rédaction de l’acte authentiques, le notaire effectue la recherche à la B.D.E.S. et signale aux parties que le terrain est classé en orange, soit à risque de pollution.

Le fait que le certificat n’ait pas été transmis préalablement à l’offre d’achat et/ou que le compromis ne reprenne pas les mentions reproduites ci-dessus signifie que l’acquéreur pourra simplement invoquer la nullité de la vente, et délaisser ce terrain au cédant, voire même lui réclamer des dommages et intérêts.

Cette vente peut néanmoins être régularisée avant la signature des actes notarié aux conditions suivantes :

  • toutes les informations sont transmises à l’acquéreur (ce qui sera souvent le cas au travers de l’intervention d’un notaire, du moins pour la cession d’un terrain bâti ou non ) ;

  • l’acte notarié reprend expressément la mention selon laquelle l’acquéreur renonce à invoquer la nullité liée à l’état du sol du terrain.

Après la signature de l’acte notarié, il n’est plus possible de sauver la vente si l’acquéreur en sollicite la nullité. En d’autres termes, si le certificat B.D.E.S n’a pas été transmis ou que l’acte notarié ne reprend pas la mention de renonciation, la vente est nulle et l’acquéreur pourrait revenir dessus, tout en réclamant au vendeur dommages et intérêts pour le préjudice lié à l’achat d’un terrain pollué / à risque de pollution.

Ainsi, nous ne pouvons que conseiller aux lecteurs souhaitant vendre leur terrain (bâti ou non) de commander ledit certificat le plus rapidement possible afin de vérifier que celui-ci n’est ni classé en orange, ni en rouge. De ce fait, ils pourront communiquer efficacement sur le sujet avec les acquéreurs pour éviter une nullité et une responsabilité dans leur chef. Cette particularité de la parcelle devra en tout cas être inclue dans les négociations relatives à la cession vu les conséquences financières que l’achat d’un tel terrain peut avoir sur le prix. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’il soit finalement plus avantageux de réaliser soi-même les analyses/ opérations de dépollution préalablement à la vente afin de mieux valoriser la parcelle concernée.

Propriétaires/Locataires - Vos droits et devoirs  (éd. Wallonie)
Propriétaires/Locataires - Vos droits et devoirs (éd. Wallonie)
Comme la Région Bruxelles-Capitale, la Wallonie a adapté sa législation et mis en œuvre un décret portant sur le nouveau ba
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4. Conclusion et conseils pratiques

En définitive, les lecteurs attentifs répondront aisément par l’affirmative à notre question de départ à savoir : La pollution peut-elle aussi contaminer votre vente ?

D’un point de vue pratique, voici une liste récapitulative des actions à mener afin de s’assurer de la parfaite formation du contrat de vente. Ainsi, le vendeur ou agent immobilier en charge de la vente doit nécessairement :

  • Dès la mise en vente / décision de cession (au sens large) d’un bien immobilier, demander le certificat B.D.E.S. afin de vérifier la couleur de la parcelle cédée ;

  • Informer correctement et complétement tout candidat cessionnaire quant à la situation du sol et quant aux conséquences de cette situation avant la formation du contrat (et s’en garder une preuve) et ce, avant l’accord sur la cession ;

  • Dans le cas où le terrain est repris à la B.D.E.S en risque de pollution ou comme étant pollué et que l’acheteur souhaite tout de même acquérir le terrain, s’accorder de manière expresse avec lui sur les conséquences d’un tel risque ou d’une telle pollution.

Pour plus d’informations, nous invitons les lecteurs à consulter le Décret Sol et le site de la Région Wallonne relatif à l’état des sols, ou à contacter un avocat pour apprécier les risques relatifs à l’état du sol sur la cession immobilière projetée.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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