Dans le cadre des Assemblées Générales de copropriété, la question des procurations suscite régulièrement des débats. Bien que les procurations offrent aux absents la possibilité de participer aux décisions, elles peuvent être utilisées de manière abusive, permettant à certains de concentrer un pouvoir de décision disproportionné et d’influencer ainsi les orientations prises par l’Assemblée Générale.
Nombre d’Assemblées Générales, surtout dans les grandes copropriétés, sont désertées par certains copropriétaires et nous ne pouvons que le regretter.
L’Assemblée Générale est souveraine et est compétente pour de multiples décisions reprises à l’article 3.88 §1er du Code Civil.
Certes, le syndic en est l’exécutif mais, sous peine d’outrepasser sa mission, il ne peut, sauf dispositions conservatoires et urgentes à prendre, se substituer à l’Assemblée Générale.
La preuve de cette désertion dans de nombreuses Copropriétés (notamment dans les parcs résidentiels) est établie par la nécessité fréquente pour le syndic de devoir convoquer une seconde Assemblée Générale, avec les coûts que cela représente.
Rappelons à cet effet l’article 3.87 §5 relevant :
« L’Assemblée Générale ne délibère valablement que si, au début de l’Assemblée Générale, plus de la moitié des copropriétaires sont présents ou représentés et pour autant qu’ils possèdent au moins la moitié des quotes-parts dans les parties communes.
Néanmoins, l’Assemblée Générale délibère aussi valablement si les copropriétaires présents ou représentés au début de l’Assemblée Générale représentent plus de 3/4 des quotes-parts dans les parties communes.
Si aucun des deux quorums n’est atteint (c’est nous qui soulignons), une deuxième Assemblée Générale sera réunie après un délai de 15 jours au moins et pourra délibérer quel que soit le nombre de membres présents ou représentés et les quotes-parts de Copropriété dont ils sont titulaires ».
Les causes des désertions de certaines Assemblées Générales sont nombreuses et, de manière non exhaustive, nous relèverons ce qui suit :
le fait que (comme dans tout vote émis) il est cru par certains, surtout par les détenteurs de quotités réduites, que leur vote ne changera rien ;
l’âge avancé de certains copropriétaires considérant plus simple de s’en remettre au professionnalisme du syndic ;
un Ordre du Jour non suffisamment explicité sur les points devant faire l’objet du vote.
Certes, il existe les procurations mais ATTENTION,
cela peut être un moyen habile pour certains copropriétaires, sans opposition du syndic, de « diriger » la gestion de la Copropriété à leur avantage,
et ce par le biais de procurations « orientées » reçues de personnes qui, parfois lasses, ne s’impliquent pas.
Les dispositions portant sur la matière de la procuration sont reprises à l’article 3.87 §7 :
« Tout copropriétaire peut se faire représenter par un mandataire, membre de l’Assemblée Générale ou non.
La procuration désigne nommément le mandataire.
La procuration peut être générale ou spéciale et ne peut concerner qu’une Assemblée Générale, hormis le cas d’une procuration notariée générale ou spéciale.
Sauf disposition contraire, une procuration octroyée pour une Assemblée Générale vaut également pour l’Assemblée Générale organisée en raison de l’absence de quorum lors de la première Assemblée Générale.
Nul ne peut prendre part au vote, même comme mandant ou mandataire, pour un nombre de voix supérieur à la somme des voix dont disposent les autres copropriétaires présents ou représentés.
Nul ne peut accepter plus de 3 procurations de vote. Toutefois, un mandataire peut recevoir plus de 3 procurations de vote si le total des voix dont il dispose lui-même et de celles de ses mandants n’excèdent pas 10% du total des voix affectées à l’ensemble des lots de la Copropriété.
Le syndic ne peut intervenir comme mandataire d’un copropriétaire à l’Assemblée Générale, nonobstant le droit pour lui, s’il est copropriétaire, de participer à ce titre aux délibérations de l’Assemblée ».
Certes, le législateur a quelque peu « cadenassé » le mécanisme des procurations.
Mais est-ce suffisant ?
Il est parfois déploré des pratiques pour le moins douteuses.
Quelques copropriétaires désirant continuer à influer dans leur intérêt sur la gestion de la Copropriété, en invitent d’autres, moins impliqués et aussi parfois plus influençables (personnes âgées) à remettre en leurs mains des procurations signées en blanc et se chargent alors, en respectant les limitations légales (voir supra), de les compléter par le nom d’un mandataire acquis à leur cause.
Pour tenter de fortifier cette procuration ainsi fabriquée, ils veillent à faire compléter par le mandant, en fin de procuration, la mention « bon pour pouvoir »…
Parfois, ils vont même, pour simplifier la tâche du mandant, à dactylographier préalablement son nom, celui-ci n’ayant alors qu’à signer sans qu’au moment de la signature, il ne soit connu par lui le nom du mandataire.
Il nous revient même qu’il peut être suggéré que ces procurations « en blanc » soient déposées dans la boîte aux lettres du syndic, celui-ci se chargeant alors de les remettre à certains mandataires pour être complétées.
Il nous apparaît évident que de telles procurations doivent être rejetées.
Une telle pratique s’apparente à celles que des juridictions ont d’ailleurs condamnées lors de votes émis aux élections communales avec la visite de certains mandataires politiques dans des maisons de repos…
Comment éviter de tels abus ?
Un parallélisme pourrait être fait avec notre droit de la preuve en ce qui concerne les témoignages.
Pour éviter des témoignages de complaisance, a été inséré dans le droit de la preuve un certain formalisme lorsqu’une personne doit préciser certains faits (article 961.2 du Code Judiciaire).
Il y est notamment précisé : « L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature. »
Sans verser dans un formalisme excessif, il pourrait être exigé qu’à tous le moins, dans la procuration, le mandant, de sa main (et non dactylographié), précise le nom du mandataire qu’il choisit.
La fraude serait visible puisqu’il sera aisé de comparer, d’une part, l’écriture de cette mention manuscrite avec l’écriture de la signature qui doit en tout cas figurer.
Une décision prise en Assemblée Générale sur cette modalité visant la forme de la procuration complétant ainsi l’article 3.87 §7 nous apparaît pouvoir être suggérée.
Elle devrait aussi être intégrée dans le Règlement de Copropriété.
Que de litiges et de suspicions pourraient ainsi être évités, ce qui soulagerait les Justices de Paix parfois saisies de demande en annulation au vu des critiques émises sur la validité de ces procurations