Cette question est soulevée régulièrement, et particulièrement lors des situations conflictuelles au sein des copropriétés. Une piqûre de rappel pourrait être intéressante.
Est-ce que la copropriété est une personne morale ?
Pour que l’association des copropriétaires ait la personnalité juridique, deux conditions de base doivent être réunies :
il faut qu’il existe un état d’indivision entre au moins deux personnes possédant chacune un lot distinct, au sein d’un même immeuble ;
il faut que son acte de base et que son règlement de copropriété soient transcrits dans les registres du bureau compétent de l’administration générale de la Documentation patrimoniale. Cette exigence impose qu’ils soient préalablement passés sous une forme notariée. L’intervention d’un notaire est donc une condition sine qua non.
Pour rappel uniquement, l’acte de base comprend la description de l’ensemble immobilier avec toutes les parties privatives et les parties communes ainsi que la fixation pour chacun des lots privatifs des quotes-parts qui lui sont attribuées dans les communs.
Inscription de la copropriété à la Banque Carrefour des Entreprises ?
Demander un numéro d’entreprise auprès de la banque Carrefour des Entreprises est donc une étape obligatoire pour créer son entreprise. Doivent s’inscrire auprès de la BCE :
les personnes morales de droit belge ;
toute personne physique qui exerce en Belgique une activité professionnelle de manière indépendante, hormis les personnes physiques qui ne s’inscrivent à la BCE qu’en qualité d’employeur de personnel domestique, ainsi que les personnes physiques dont l’activité professionnelle à titre d’indépendant consiste en l’exercice d’un mandat d’administration ainsi que les personnes physiques qui exercent en Belgique une activité relevant de l’économie collaborative ;
… ;
toute organisation sans personnalité juridique qui poursuit un but de distribution et/ou qui procède effectivement à une distribution à ses membres ou à des personnes qui exercent une influence décisive sur la politique de l’organisation … ».
Les organisations sans personnalité juridique qui ne poursuivent pas un but de distribution (et ne procèdent pas à une distribution effective à leurs membres ou à des personnes qui exercent une influence décisive sur la politique de l’organisation) doivent aussi s’inscrire non pas à la Banque Carrefour des Entreprises mais auprès de l’Administration de la TVA ou auprès de l’ONSS.
Toutes les associations de copropriétaires ayant la personnalité juridique doivent donc avoir un numéro auprès de la Banque Carrefour des Entreprises.
Leur inscription reprend ainsi le siège légal de l’association.
Ce numéro est attribué par l’Administration générale de la Documentation patrimoniale (service Hypothèques) ou par l’intermédiaire du notaire instrumentant.
L’article 577-5 devenu 3.86 § 1er du Code civil dispose d’ailleurs que « tous les documents émanant de l’association des copropriétaires mentionnent le n° d’entreprise de ladite association. »
Inscription du syndic à la Banque Carrefour des Entreprises ?
Base légale
L’article 1er de l’Arrêté royal du 15/3/2017 (M.B. 24/3/2017) impose à toute association des copropriétaires, en ce compris des associations partielles, qui sont dotées de la personnalité juridique et qui sont soumis aux principes relatifs à la copropriété forcée (article 577-3 devenu 3.84 du Code civil) d’inscrire la personne exerçant la fonction de syndic à la BCE.
Le syndic, qu’il soit professionnel ou non professionnel, personne morale ou personne physique doit y être inscrit. C’est par cette inscription que l’association informe de l’identité de celui qui exerce cette fonction en son sein.
Les objectifs de l’AR sont en effet :
prendre plus facilement connaissance des données du syndic ou du syndic provisoire sans passer par la copropriété concernée ;
identifier le syndic à tout moment ;
repérer plus facilement les syndics qui exercent la profession illégalement ;
faire savoir aux associations des copropriétaires si le syndic concerné est habilité à agir en cette qualité.
Pour rappel, le syndic est le représentant légal et le mandataire de l’association des copropriétaires (CC 577-8 devenu 3.89).
Par ailleurs, le Code de droit économique (article III, 18, 6°) précise également que les données d’identification des fondateurs, mandataires et fondés de pouvoir de chaque entreprise, y compris le mandat du syndic de l’association des copropriétaires, doivent figurer dans la BCE.
Si, initialement (en 2003), le gestionnaire de données pour les associations des copropriétaires était le SPF Finances, cette mission incombe depuis lors aux Guichets d’entreprises. L’article 3.89 du Code civil précise que le Roi fixe la procédure d’inscription des syndics à la BCE. C’est chose faite depuis le 1/4/2017 puisque cette inscription de fonction complète l’inscription de l’association des copropriétaires.
L’obligation d’inscription n’exonère pas le syndic professionnel de s’inscrire distinctement en tant que « entreprise » à la BCE, conformément au CDE (III, 16 et 49).
Modalités
Son inscription (accompagnée d’un droit d’inscription de quelque 85 € par opération) doit s’opérer au plus tard le dernier jour ouvrable qui précède le jour auquel la mission prend cours. Le syndic communique d’ailleurs à cette occasion au guichet d’entreprise de son choix diverses données permettant son identification.
Dans certains cas spécifiques (par ex. décision tardive), l’inscription doit avoir lieu dans les huit jours ouvrables suivant la prise de décision de désignation ou de nomination. Les copropriétés existantes avaient pu disposer en tout de quelque 3 années pour procéder à cette inscription.
Le syndic communique à cette fin un extrait de l’acte de nomination ou de désignation, comprenant aussi, s’il est une personne physique, son n° de registre national ou le n° d’identification à la BCE de la Sécurité sociale ou s’il s’agit d’une société, la dénomination sociale et le n° BCE d’un représentant (de société) habilité à exercer les activités de syndic dans le cadre de la société. Il communique également la date à laquelle la mission débute.
Toute modification aux données ou une radiation des données d’identification doit également être communiquée par le syndic.
L’extrait de nomination du syndic doit d’ailleurs et pour rappel être affiché de manière inaltérable et visible à tout moment à l’entrée de l’immeuble, siège (social) de l’association des copropriétaires.
Que se passe-t-il si l’association des copropriétaires ne renseigne pas la fonction de syndic ?
Il apparaissait en 2021 que bon nombre d’ACP ne s’étaient toujours pas conformées à cette obligation et des députés fédéraux voulaient faire bouger les choses en instaurant une sanction :
Une proposition de loi 55K2155 déposée le 16/8/2021 par la députée CD&V Leen Dierickx visait à sanctionner le défaut d’inscription du syndic à la BCE d’une amende administrative allant de 26 à 10.000 € pour permettre à l’IPI de faire la chasse aux personnes qui exerceraient illégalement la profession de syndic.
Dans votre magazine LE CRI n° 457 d’octobre 2021 l’éditorial de Monsieur Olivier Hamal, président du SNPC, y avait été consacré. En effet, même si une amende pouvait viser à sanctionner le non-respect d’une obligation, elle n’en était pas moins excessive et jugée corporatiste, puisqu’elle était motivée au profit de la défense d’une profession.
Cette proposition de loi avait – heureusement – été déclarée caduque.
Cependant, trois années plus tard, la députée Leentje Grillaert CD&V a remis le couvert en déposant le 10/9/2024 une nouvelle proposition de loi DOC56 0210/001.
Son objectif serait dorénavant de faire respecter l’obligation d’enregistrement et l’article XV.77 du CDE !
Et, le plafond supérieur retenu pour une telle amende à laquelle contribueraient les copropriétés négligentes ou encore ignorantes permettrait de remplir les caisses !
Autres obligations légales et/ou contractuelles pour l’ACP ?
La liste est longue : l’existence d’un contrat (de syndic) écrit, la bonne tenue d’une comptabilité, la bonne tenue des assemblées générales et des documents statutaires et légaux, la tenue des registres RGPD (caméras, barrières…), renouvellement des permis d’environnement, … Des manquements de cet ordre ne sont cependant sanctionnés qu’après divers rappels et/ou de longues et souvent onéreuses procédures.
En conclusion
L’acquisition par les copropriétés de la personnalité juridique a constitué, c’est indéniable, un grand pas en avant.
Les copropriétaires, personnes juridiques distinctes de leur copropriété, mais aussi les créanciers des copropriétés se sont vus ainsi mieux protégés, notamment avec des comptes bancaires et des procédures distincts.
Cette protection étendue n’a toutefois pas été gratuite : les associations des copropriétaires supportent depuis 1994 des frais en tous genres pour s’y adapter régulièrement et se conformer à la loi. Les obligations à leur charge se sont étendues et s’alourdissent : travaux de réparation dus à la vétusté normale, travaux de mise en conformité (ascenseur, sécurité, toit, désamiantage, etc.), travaux d’efficience énergétique et amendes diverses y afférentes, frais bancaires, …
Et, voici qu’une autre charge financière menace de les frapper à l’avenir du fait que le syndic dûment désigné ou nommé ne remplirait pas une obligation objectivement instituée pour LE protéger ! sans parler à ce stade d’un quantum plus qu’excessif ! car ce n’est un secret pour personne que les quelque 50.000 inscriptions de syndics effectuées tout à fait régulièrement par les guichets d’entreprises entre avril 2017 et début 2020 avaient représenté, en leur temps, et sauf erreur, une manne (céleste) de plus de 4.000.000 € !