C'est une conséquence de l'ordonnance bruxelloise visant à « instaurer une Commission paritaire locative (CPL) et à lutter contre les loyers abusifs », votée le 28 octobre dernier et dont la publication au Moniteur belge est intervenue le 22 novembre 2021 : tous les contrats de bail signés à partir du 2 décembre 2021 doivent mentionner « le loyer de référence du bien visé ou l'intervalle des loyers autour du loyer de référence du bien visé tel que repris dans la grille indicative des loyers ».
Si cette mesure peut sembler anodine, il ne faut pas se méprendre car il s'agit, ni plus ni moins, d'un premier pas vers un loyer contraignant qui sera imposé au bailleur. La Secrétaire d'Etat au Logement, Nawal Ben Hamou, soutenue par les partis du Gouvernement bruxellois (PS, DéFi, Ecolo, Open VLD) déroule une stratégie bien établie, celle de faire assumer aux propriétaires le déficit criant de la politique de logements publics des majorités bruxelloises depuis de très nombreuses années.
On savait la grille indicative bruxelloise de loyers approximative et sous-estimée. Le SNPC n'a eu de cesse de le dénoncer et d'attirer l'attention sur ses nombreuses lacunes qui en font un outil très approximatif et sous-estimé par rapport à la réalité du marché bruxellois. La Secrétaire d'Etat s'était engagée à commencer par revoir la grille pour l'adapter et la rendre plus juste. Force est de constater aujourd'hui que cette étape a été sautée et que l'usage de la grille est pourtant renforcé.
Comment connaître ce loyer de référence ?
Il s'agit en fait, à Bruxelles, d'une fourchette de deux nombres, le loyer bas et le loyer haut.
Pour le connaître, vous devez vous rendre sur www.loyers.brussels et répondre à quelques questions sur le bien. Par exemple le nombre de chambres, la surface, le PEB, la localisation…
L'outil vous livrera alors une fourchette de loyer qui correspond en fait, si on en croit l'ordonnance, au loyer de référence avec une marge vers le haut et vers le bas de 10%.
Ce sont bien ces deux chiffres qu'il faut porter à la connaissance du locataire en les mentionnant dans le bail. Vous pouvez le faire grâce à l'avenant que nous vous proposons en téléchargement dans notre docuthèque. Il vous suffit de l'imprimer et de l'annexer au bail après l'avoir rempli et fait parapher par les parties.
Notons néanmoins que, selon un exemple aléatoire effectué le 24 novembre dernier (voir capture d'écran ci-dessus), l'outil annonce un intervalle de 638,6 euros à 769,8 euros. Or, si le loyer est de 709 euros, la fourchette basse devrait être à 638,1 euros et que la fourchette haute devrait être de 779,9 euros au lieu de 769,8 euros. On ne peut donc que constater et regretter que l'outil ne soit même pas conforme à l'ordonnance bruxelloise !
Devez-vous adapter votre loyer ?
La réponse est clairement négative. Nous ne pouvons que vous encourager à appliquer le loyer juste, c'est-à-dire celui qui correspond au marché et donc pas nécessairement à la grille. Et, pour autant que votre bien réponde à toutes les exigences de salubrité et de conformité, les critères qui peuvent justifier le fait de dépasser le loyer « recommandé » sont nombreux.
Par ailleurs nombre de critères peuvent justifier le fait de dépasser le loyer « recommandé ».
Voici quelques exemples illustratifs :
Cuisine (super) équipée
Châssis double vitrage
Rénovation récente de l'immeuble (la grille n'a qu'un seul critère de date : construction avant ou après 2000)
Nouvel éclairage LED intégré
Présence d'un ascenseur
Emplacement de parking privatif (hors garage)
Panneaux photovoltaïques et thermiques
Présence de matériaux nobles (par exemple parquet ou marbre)
Présence d'un jardin, d'une terrasse
Présence d'espaces verts et récréatifs dans le quartier
Moyens de communication à proximité immédiate (transport en commun)
Vue sur un parc alors même que le voisin de palier a vue de l'autre côté, sur des voies de chemins de fer (pourtant dans le même immeuble)
La liste n'est pas exhaustive et les critères qui définissent le loyer sont infinis. Et ils sont toujours, au final, à l'appréciation des locataires qui l'acceptent ou pas. En effet, certains critères peuvent être positifs pour certains et négatifs pour d'autres. Exemple : un bien se situant à proximité d'une école peut constituer un avantage pour de jeunes parents et un inconvénient pour une personne seule à la recherche de calme.
Que nous annonce l'avenir ?
Avec la mise en place de la fameuse commission paritaire locative, il est clair que le gouvernement bruxellois trouvera les fonds nécessaires pour mener une campagne et encourager les locataires qui estiment leur loyer abusif à s'adresser à ladite commission pour laquelle un arrêté de Gouvernement est encore annoncé. L'ordonnance stipule qu'est considéré comme loyer abusif tout loyer dépassant le loyer de référence de plus de 20%.
Dans le pays du surréalisme, on verra rapidement se multiplier les cas de locataires qui signent un bail – et acceptent ainsi les termes d'un contrat – et qui saisiront ensuite la commission paritaire pour contester le montant du loyer qu'ils jugeront subitement comme abusif et excessif.
Il appartiendra au bailleur d'accepter cette démarche ou pas. Le SNPC ne l'encouragera pas et estime que le juge naturel des contentieux est le Juge de Paix.
Au final, la seule voie contraignante et conforme à la justice telle qu'on la connaît restera le verdict du juge de paix et le SNPC continue à faire confiance à la Justice et non à des structures parallèles qui vont davantage s'apparenter à une justice de rue.