Quel est le statut des comptes bancaires de copropriété ? de consommateur ou d’entreprise ?

Quel est le statut des comptes bancaires de copropriété ? de consommateur ou d’entreprise ?

Après un premier échange avec le Ministre de l’Economie, relaté dans l’article de LE CRI n° 472 et intitulé « Comptes bancaires : le député Prévot au secours des copropriétés », et après un article intitulé «Des copropriétés confrontées à des frais bancaires exorbitants et à l’exclusion bancaire », il apparaît utile de compléter et de « recadrer » la question de l’exclusion bancaire..

Remarque préalable

Le droit bancaire et financier n’étant ni de notre ressort ni l’objet de ces propos, les lecteurs voudront bien accepter le caractère certainement superficiel et simplifié de certaines notions évoquées.

Etat de la question quant à l’exclusion bancaire

L’article publié dans LE CRI n° 472 en mars 2023 relatait in extenso une question du député Prévot posée le 14/12/2022 et la réponse ministérielle reçue en début 2023. Nous les y renvoyons instamment. Cependant, quelques compléments ci-après permettent de mieux cerner cette problématique.

a) Préalable: Ultimate Beneficial Owner - U.B.O.?

Pour rappel, l’article dans LE CRI n° 472, pp. 14 et suivantes évoquait in extenso la QE 1143 du Député Prévot et la réponse du Ministre Dermagne.

Si initialement, le député Prévot avait posé sa question orale référencée 55032235C à Monsieur Vincent Van Peteghem, Ministre des Finances, chargé de la Coordination de la lutte contre la fraude, concernant l’exclusion bancaire d’ASBL ou de copropriétés par une grande banque, c’est le Ministre Dermagne qui a répondu.

Il avait alors apporté une explication plausible à ces exclusions. Elle concernerait la règlementation U.B.O qui vise à lutter contre le blanchiment d’argent qui a été étendue en 2019 aux ASBL. Il était alors rapporté que « les personnes morales concernées ne se seraient pas correctement acquittées de leurs obligations U.B.O. » par manque d’informations ? par difficultés de mettre en œuvre cette règlementation ?) !

Il était donc fait référence à la loi du 18.09.2017 (M.B. 6.10.2017) relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation des espèces et mise en œuvre notamment l’A.R. du 30.7.2018 (M.B. 14.8.2018).

Comme son intitulé l’indique, cette loi a principalement pour objet la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ainsi que du financement de la prolifération des armes de destruction massive. Elle transpose des Directives européennes et des Règlements du Parlement européen.

Ledit U.B.O. (« Ultimate Beneficial Owners ») a mis en place un registre centralisé des bénéficiaires effectifs – c’est-à-dire des personnes physiques qui possèdent ou contrôlent le client…

Il est en tous cas déjà bien connu des gestionnaires des sociétés commerciales et des a.s.b.l. en général qui sont appelés à le tenir annuellement à jour. Mais quid des A.C.P. ?

Serait-ce donc cet U.B.O. qui serait la cause des maux accablant nos (petites) A.C.P. ?

En effet, il appartient aux banques d’évaluer globalement les risques BC (blanchiment de capitaux) et FT (financement du terrorisme) et de prendre des mesures pour remplir leur obligation de vigilance. Selon le degré faible ou élevé des risques qu’elles identifient, les banques sont alors soumises à de nombreuses procédures, sanctions et amendes…, qui ne sont pas notre propos.

Pratiquement, vu l’objet, l’organisation et le type de mouvements de capitaux au sein des copropriétés, nous nous interrogeons encore sur la prise d’un risque de blanchiment par les banques alors que par ailleurs, il n’apparaît pas que les ACP seraient soumises à cette législation.

b) Réponses – rappel QE 1143 à la question parlementaire

  • [...] "Les banques ont des obligations de vigilance sur base de la loi du 18 septembre 2018 sur la lutte contre le blanchiment d’argent.

  • Depuis l’entrée en vigueur de la loi, la Banque nationale a constaté la multiplication d’actions de « de-risking » menées par des institutions financières relevant de ses compétences de contrôle, en invoquant principalement des raisons liées à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

  • A la suite de ces constatations, elle a publié une circulaire le 1er février 2022 par laquelle elle rappelle que, si des décisions de ne pas établir ou de mettre fin à une relations d’affaires ou de ne pas effectuer une transaction, peuvent être conformes aux exigences de la Loi anti-blanchiment, le de-risking de catégories entières de clients individuels, est un signe de gestion inefficace du risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

  • Pour plus d’informations à ce sujet, je vous invite à prendre contact avec la Banque nationale qui est donc chargée du contrôle du respect de cette circulaire.

  • Rien ne s’oppose à ce que les ASBL et les syndics de copropriété puissent bénéficier du service bancaire de base aux entreprises.

  • Le champ d’application du service bancaire de base est limité aux entreprises visées à l’article I.1, 1° du Code de droit économique.

  • Les ASBL, en tant que personnes morales, inscrites à la Banque-Carrefour des Entreprises peuvent donc prétendre au service bancaire de base, ainsi que les syndics de copropriété dans la mesure où ils représentent une association de copropriétaires, ayant le statut de personne morale, et où ils sont inscrits à la Banque-Carrefour des Entreprises."

Signé Pierre-Yves Dermagne, Ministre de l’Economie

A la lumière de ce qui précède au point 1, les éléments de réponses deviennent plus lisibles :

  • cette problématique résulte d’une multiplication d’actions de de-risking visant des catégories entières de clients, sans tenir compte des profils de risque des clients individuels, menée par des institutions financières relevant des compétences de contrôle de la Banque Nationale ;

  • le de-risking de catégories entières de clients sans tenir dûment compte des profils de risques des clients individuels est considéré être un signe de gestion inefficace du risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (Loi du 18/9/2018) ;

  • le service bancaire de base pour les entreprises visées à l’article I.1, 1° du Code de droit économique (CDE) peut constituer une solution pour les ASBL et les copropriétés.

Pour le Ministre, les copropriétés peuvent donc se prévaloir du service bancaire de base dès lors qu’elles relèvent du CDE. C’est rassurant ! mais,…

c) Rapport annuel 2022 de la Banque nationale de Belgique publié en mars 2023

Celui-ci précise notamment que : « L'un des domaines sur lesquels la Banque a renforcé son attention ces dernières années est la lutte préventive contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le respect de ces dispositions requiert des efforts importants de la part du secteur pour gérer le risque de compliance et le risque de réputation qui y est associé. Dans ce contexte, le phénomène de derisking a reçu beaucoup d'attention. Il s'agit de la pratique par laquelle les établissements financiers excluent des clients ou des secteurs entiers des services bancaires sans que cela soit basé sur une évaluation individuelle des risques mais essentiellement en raison de l'appartenance à un secteur particulier ou à l’exercice d’une activité particulière. À la suite des recommandations européennes, la Banque a non seulement publié une circulaire exposant ses attentes dans ce domaine, mais cela a été combiné avec un plan d'action exhaustif, comprenant des inspections auprès d’une série d'établissements. L’exigence primordiale à cet égard est que les risques plus élevés de blanchiment de capitaux qui se présentent dans certains secteurs s'accompagnent d'une vigilance accrue, sans pour autant que cela conduise a priori à exclure des services bancaires essentiels une série de clients et de secteurs…. »

Donc, pour la BNB, la lutte préventive contre le blanchiment de capitaux, même si elle requiert une vigilance accrue et des plans d’action exhaustifs, ne devrait pas conduire à exclure une série de clients et de secteurs des services bancaires essentiels.

d. Echange épistolaire entre le député Prévot du 16/2/2023 et la BNB du 20/3/2023

Partant de la réponse ministérielle, le député Prévot a interrogé la BNB quant à la teneur de la circulaire du 1/2/2022 évoquée en réponse au regard des craintes des copropriétés confrontées à l’exclusion bancaire. Il écrit :

« Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 18/9/2017 sur la lutte contre le blanchiment d’argent, les banques ont des obligations de vigilance. Ce devoir est nécessaire pour enrayer autant que faire se peut les rentrées et les sorties financières des organisations mafieuses, criminelles, voire terroristes. Néanmoins, il semblerait que cette loi ait eu comme effet négatif la multiplication d’actions de derisking impliquant des catégories entières de clients, comme c’est le cas pour les ASBL ou les copropriétés, forcément inquiètes…. ».

Le député Prévot a bien voulu partager avec le SNPC la réponse « confidentielle » de la BNB du 20/3/2023.

Tout en remerciant le député, et sans trahir cette confidentialité, nous avons ainsi pu retenir que l’Autorité bancaire européenne (ABE) poursuit ses travaux sur de nouvelles lignes directrices concernant la gestion efficace du risque de blanchiment, et plus précisément sur le secteur des associations sans but lucratif, afin d’éviter que « les clients les plus vulnérables ne soient pas privés d’accès aux services financiers sans motif valable.

Force est cependant de constater que si la BNB et/ou l’ABE retient le cas des associations sans but lucratif, le secteur même « associations des copropriétaires » n’est pas évoqué et paraît ignoré.

Et pour cause. Il s’agit d’une catégorie distincte, spécifique et différente que celle des associations sans but lucratif avec lesquelles elle n’a d’ailleurs aucune parenté. Elle est simplement ignorée et méconnue du monde bancaire.

Et c’est, précisément, là que le bât blesse. Que conclure de ce silence tant épistolaire que légal ? Méconnaissance ? Confusion ? Embarras ?

e. Suivi réservé par le monde de la copropriété à l’appel de décembre 2022 du SNPC et de son président, Monsieur Hamal

Les témoignages de copropriétaires, membres et non-membres, ont afflué au SNPC. Les lettres-circulaires et courriels des grandes institutions bancaires nous ont été communiqués et de manière générale, il est apparu que si l’exclusion et/ou la difficulté d’ouvrir un compte bancaire concerne des copropriétés, elle frappe de plein fouet les petites copropriétés de 3 à une dizaine de lots.

Pourtant, dans les environs des mois d’avril et mai 2023, les témoignages et griefs des copropriétaires ont évolué. Le grief portant sur l’exclusion pure et simple s’est mué en un grief portant sur l’application de frais de gestion prohibitifs.

Dès juin 2023, une nouvelle tarification bancaire est entrée en vigueur avec l’application d’un montant forfaitaire annuel pour frais administratifs de gestion de 250 €, et ce, selon la banque, quel que soit le nombre de comptes dans la banque ou sur le compte à vue affichant le plus grand nombre d’opérations débitrices au cours de l’année écoulée.

Autrement dit, dans de petites entités, les frais de gestion bancaire peuvent facilement atteindre un minimum de 10% des dépenses annuelles de l’ACP! Cet aspect a déjà fait l’objet d’un examen distinct.

Pour sa part, le SNPC a poursuivi sa moisson de réactions à cette nouvelle tarification. Le monde des syndics s’y est aussi interrogé dans son magazine PROPERTY TODAY de 2023 janvier-février pour savoir « quelle mouche a piqué les banques ». Même la presse s’en est fait l’écho. L’article publié le 21/6/2023 dans Libre ECHO sous la plume de Madame Charlotte MIKOLAJCZAK, journaliste économique, intitulé « Belfius, prête à perdre les petites copropriétés ? » est en ce sens éloquent.

f) Nouvelles offensives parlementaires

  • En juin 2023, vu les récentes mesures prises par le monde bancaire et la transformation unilatérale et sans préavis du compte-épargne en compte à vue des ACP, le député Prévot interpellait oralement de nouveau Monsieur Van Peteghem, pour des précisions :

    • quant au droit des banques de transformer en compte à vue le compte-épargne des copropriétés, vu la rédaction de l’article 3.86, § 3 du Code civil ;

    • quant au droit des copropriétés à la sécurité et de bénéficier pour leur fonds de réserve d’un compte-épargne intouchable et sans frais.

    Cette question orale a in fine été adressée par écrit au Ministre Van Quickenborne. Une réponse circonstanciée, motivée et écrite devrait bientôt être connue. Donc, affaire à suivre…

Rappel de quelques principes relatifs à la copropriété, titulaire de comptes bancaires obligatoires

  • Une copropriété est généralement composée d’un ensemble de lots distincts appartenant chacun à des propriétaires individuels de toutes sortes et de tous horizons. Ceux-ci n’en deviennent d’ailleurs propriétaires qu’avec un contrôle sérieux et individualisé par l’Administration fiscale et leur droit de propriété est transcrit dans les registres ad hoc de l’Administration générale de la documentation patrimoniale ; ce contrôle individuel sur la situation personnelle des propriétaires se poursuit d’ailleurs tout au long de leur vie par les administrations ;

  • Tous ces propriétaires dans un même immeuble sont ainsi réunis en ASSOCIATION DE COPROPRIETAIRES ;

  • L’association des copropriétaires peut être une personne morale si elle dispose de statuts transcrits dans un registre ad hoc au sein de l’Administration générale de la Documentation patrimoniale (hypothèques). Elle peut également être une association de fait, sans personnalité juridique, parce que ses statuts n’ont pas été transcrits aux hypothèques ;

  • Qu’elle soit personne morale ou association de fait, elle n’est légalement constituée en association des copropriétaires que pour les besoins de sa gestion journalière et des parties communes de l’immeuble concerné dont elle n’est pas du tout propriétaire, ainsi que pour la facilité et la sécurité juridique des tiers ;

  • Dans le cadre de cette gestion, l’association des copropriétaires doit désigner ou nommer souverainement et librement un syndic pour les représenter légalement et judiciairement ;

  • C’est pour les besoins de cette gestion que l’association de copropriétaires doit obligatoirement être titulaire de comptes bancaires lesquels doivent obligatoirement, être à son nom et nullement au nom de son syndic, qui n’est d’ailleurs que (temporairement) son représentant (légal) ;

  • Partant de son obligation légale de se voir dotée d’un fonds de réserve, elle doit placer ces fonds sur divers comptes, dont obligatoirement un compte distinct pour le fonds de roulement et un compte distinct pour le fonds de réserve.

En conséquence, le propos selon lequel « les ASBL, en tant que personne morale, inscrites à la Banque-Carrefour des Entreprises, peuvent prétendre au service bancaire de base, ainsi que les syndics de copropriété dans la mesure où ils représentent une association de copropriétaires, ayant le statut de personne morale… » mérite une mise au point :

si le syndic, professionnel ou non, doit s’inscrire à la Banque-Carrefour des Entreprises » comme exerçant temporairement cette mission de gestion et de représentation, son inscription à la BCE a pour unique but d’informer tout un chacun de son identité ; ses pouvoirs au sein de la copropriété lui sont conférés par la loi sur la copropriété et non par son inscription à la BCE ; c’est d’ailleurs l’association des copropriétaires qui a un besoin et une obligation légale de bénéficier d’un service bancaire de base et nullement son syndic en tant que tel (voir QE 1143).

Pour le surplus, qu’elle soit une personne morale ou une association de fait, la copropriété n’a légalement été constituée en association des copropriétaires que pour les besoins de sa gestion journalière et des parties communes de l’immeuble concerné.

L’association des copropriétaires n’est pas propriétaire des parties communes. Elle n’a pas de patrimoine personnel et n’agit pas dans un but de lucre personnel. Ses activités se résument à conserver, au nom et pour compte de chacun des copropriétaires qui la constituent, l’immeuble dont elle a la charge de la gestion.

De même, si elle est titulaire des comptes bancaires à son nom, ce sont les copropriétaires qui l’alimentent en contribuant, selon leurs quotes-parts dans les parties communes, au versement des fonds nécessaires aux paiements et au remboursement des frais exposés pour cette gestion. Elle ne perçoit pas de « bénéfices » et ne distribue pas de « dividendes ». Il n’y a ni lucre ni spéculation ! Alors, où sont les « risques » ?

Inscription à la BCE, imposée pour les besoins de gestion et la sécurité des tiers

Pour ses besoins spécifiques de gestion et pour la facilité et la sécurité des tiers et des autres professionnels de la gestion, l’association des copropriétaires - reconnue depuis 1994 comme personne morale- a été légalement amenée à s’inscrire à la BCE.

Cette « contrainte » légale imposée pour les besoins de la cause a aussi évité d’encombrer la BCE de l’inscription individuelle de tous et chacun des propriétaires individuels de biens immobiliers qui en sont ses mandants.

C’est d’ailleurs l’obligation d’une inscription à la BCE qui a rendu nécessaire dans le répertoire BCE, la création d’une catégorie spécifique, celle des associations de copropriétaires, soit une catégorie bien distincte des associations sans but lucratif.

C’est la reconnaissance légale, si besoin en est encore, que les associations de copropriétaires ne sont en rien comparables aux associations sans but lucratif (ASBL).

Cependant, c’est précisément à la suite de cette inscription à la BCE qu’elle s’est vue répertoriée et « casée », contrainte et forcée, comme acteur économique, à part entière (ce que pour rappel, elle n’est pas), n’agissant qu’au nom et pour compte de ses mandants.

Comme pour toute personne physique, propriétaire ou non, d’un bien immobilier, qui gère sa vie quotidienne et ses affaires, c’est la gestion des parties communes et quelquefois, par la force des choses, des parties privatives, qui rend l’association des copropriétaires cruellement et nécessairement dépendante d’un service bancaire (de base).

Ce n’est nullement cette inscription qui transforme les associations de copropriétaires en acteurs économiques en tant que tels, comme le sont les ASBL, ou qui les définirait comme entreprises au sens de l’article I.1,1° du Code de droit économique.

Personne morale versus Consommateur (groupement de personnes physiques)

Il ne s’agit pas de réitérer l’article du CRI n° 465 « Copropriété entreprise versus copropriété consommateur » auquel les lecteurs voudront bien s’y référer.

Il reste utile de rappeler que, telle que définie actuellement par le Code de droit économique, l’entreprise englobe toute personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant et toute personne morale ou toute autre organisation sans personnalité juridique. Par opposition, le consommateur est défini comme toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

Administrer en partie son propre bien immobilier, en nommant un syndic et en versant les fonds nécessaires pour lui assurer pérennité ne revient nullement à exercer une activité « professionnelle ».

Une lecture rapide de ces définitions et des personnes morales visées reste donc inadéquate et inadaptée pour intégrer les associations de copropriétaires au rang des entreprises visées dans l’article I.1, 1° du Code de droit économique.

C’est bien au nom et pour compte de tous les copropriétaires que l’association des copropriétaires est appelée à consommer quotidiennement des biens et des services. C’est pour conserver durablement et en bon état l’immeuble qu’elle doit appeler les fonds et moyens financiers nécessaires auprès des propriétaires concernés.

La 5e Chambre du Tribunal de Première instance de Liège a ainsi judicieusement pu conclure que l’association des copropriétaires demanderesse ne pouvait pas être une entreprise. C’est aussi avec raison que les auteurs de la proposition de loi du 23/6/2020 ont mis en exergue le caractère quasi-artificiel et pour les seuls besoins de la cause, de la personnalité juridique reconnue aux associations de copropriétaires.

Dès lors que les associations de copropriétaires ne sont pas des personnes morales au sens du Code de droit économique, il serait logiquement raisonnable de les considérer comme « consommateurs » à part entière.

Mais, le dilemme et l’ambiguïté résident dans le fait que l’association des copropriétaires n’est pas expressément définie. Elle reste actuellement inclassable. L’absence de définition permet au monde politique et, en l’espèce, au monde bancaire, de la bringuebaler au gré des besoins entre consommateur et personne morale, soumise alors à l’article I.1,1° du CDE.

C’est ainsi que in fine il est indiqué que le champ d’application du service bancaire de base est limité aux seules entreprises visées à l’article I.1, 1° du Code de droit économique !

Autrement dit, si les ACP, regroupement de citoyens et propriétaires immobiliers, devaient être qualifiées de Consommateur, elles n’auraient même plus droit au service bancaire de base reconnu à chacun des propriétaires ?

Conclusion

Le propos n’est pas de contester la lutte contre le blanchiment d’argent et l’obligation des banques d’être vigilantes. Au contraire ! Mais, est-il même envisageable qu’une copropriété puisse présenter un risque BC/FT ?

S’il est indiscutable que le monde bancaire est libre de se fonder sur des considérations librement commerciales pour ouvrir et clôturer des comptes bancaires, il n’en est pas moins exact que le service bancaire de base est devenu un droit … basique pour tout un chacun, personne physique, personne morale, consommateur ou personne morale au-delà de toutes considérations de lutte contre le blanchiment, qu’il appartient, le cas échéant, de sanctionner individuellement et non par secteur, pris à la grosse louche, mettant alors dans l’embarras un grand nombre d’individus.

A ce stade, même si nous regrettons que les réponses politiques et bancaires dont discussion ne permettent pas d’apporter des réponses, nous retenons avec satisfaction que l’attention du monde politique est dorénavant portée sur la problématique de l’exclusion bancaire et de son coût.

En tous cas, nous ne pouvons que déplorer l’amalgame des notions juridiques telles « personne morale », « personne physique », « association des copropriétaires » ou « association sans but lucratif ». Elle continue à traduire la méconnaissance de la réalité « copropriété ». C’est interpellant.

Il faudrait voir reconnaître la qualité de consommateur aux associations de copropriétaires, malgré la personnalité juridique reconnue incidemment, puisque c’est bien les (co)propriétaires et résidents de l’immeuble qui sont les bénéficiaires finaux des biens et services, notamment financiers.

Cette reconnaissance apporterait une réponse claire et sans ambiguïté à la problématique de l’exclusion bancaire laquelle n’est d’ailleurs qu’un épiphénomène de la problématique de fond « personne morale » versus « consommateur ».

Cette reconnaissance dans la vie économique de notre société apporterait alors stabilité et sécurité juridique dans un monde de copropriétaires consommateurs en émoi.

Reste enfin à espérer que des propositions adaptées que l’Administration est chargée de formuler et les propositions de loi déjà annoncées précédemment dans le cadre spécifique bancaire répondront positivement à cette problématique.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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