Nous souhaitons à nouveau attirer l’attention des bailleurs d’immeubles en Région de Bruxelles-Capitale sur les nouvelles règles de procédure en matière de contentieux locatifs : introduction de la procédure, exécution et moratoire hivernal (indemnisation).
Il faut réagir vite pour ne pas voir votre préjudice s’aggraver !
Comme nous l’avons déjà signalé, le SNPC va introduire un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle contre ces dispositions car l’approche retenue est unilatérale, au détriment des bailleurs, en allongeant les délais de procédure et aggravant leur préjudice potentiel.
Ce n’est pas acceptable mais il faudra un certain nombre de mois avant que la Cour ne tranche notre recours et entretemps les nouvelles règles sont d’application depuis le 1er septembre 2023.
Dès lors, les bailleurs doivent s’organiser et prendre les mesures voulues pour contrer les effets pervers de la nouvelle législation. Ils doivent aussi se concerter avec leurs avocats et huissiers pour activer les choses en ce compris au niveau de l’exécution du jugement.
Au niveau de l’introduction de la procédure, les conseils du SNPC sont les suivants :
Il faut agir vite et ne pas laisser traîner les choses en laissant les arriérés se cumuler.
Nous sommes d’ailleurs assez surpris dans certains dossiers soumis à notre service juridique de voir le laxisme de certains bailleurs qui réagissent tardivement à d’importants arriérés de loyers. Certes, quelquefois dans l’attente que leurs locataires respectent leurs engagements, les promesses faites, etc.
Cela n’est plus de mise.
Dès le premier mois de retard, il faut envoyer une mise en demeure à votre locataire (par courrier simple, mail mais plus certainement par recommandé pour éviter toute discussion et avoir ainsi une preuve de l’envoi du courrier), pour le cas échéant un mois plus tard pouvoir introduire une requête en résolution de bail et accessoires.
Tant que cette mise en demeure n’aura pas été envoyée (et se ménager la preuve de son envoi), votre procédure ne sera pas recevable. La copie de la mise en demeure doit absolument être jointe à votre requête.
Le SNPC tient à la disposition de ses membres un modèle type de courrier en Word (à personnaliser) avec les mentions prévues dans la législation. Vous pouvez l’obtenir auprès de notre service juridique.
Votre procédure devant le Juge de Paix ne pourra être introduite qu’un mois après l’envoi de cette mise en demeure. Nos membres comprendront dès lors l’importance de l’envoyer rapidement.
Dès le second mois d’arriérés et pour autant que la mise en demeure ait été envoyée, vous devrez déposer votre requête au Greffe de la Justice de paix en sachant que le dossier ne sera fixé que 40 jours après (aujourd’hui entre deux et trois semaines).
En suivant strictement nos conseils vous devriez pouvoir limiter la casse et voir le dossier fixé devant le Juge de Paix au moment où votre locataire aura trois mois d’arriérés, temps généralement retenu par les Juges de Paix pour résoudre un bail.
Si entre-temps votre locataire a régularisé sa situation, tant mieux, et s’il vous était fait reproche d’avoir introduit votre procédure trop rapidement, il faudra mettre en exergue les nouvelles règles de procédure.
Nous vous suggérons en fonction des arriérés honorés de faire remettre l’affaire à un ou deux mois pour s’assurer que les paiements suivent.
Au niveau de l’exécution du jugement, les conseils du SNPC sont les suivants
D’une manière générale, il ne faut pas s’attendre à ce que le jugement s’exécute tout seul ou encore que le Greffe de la Justice de Paix prenne des initiatives pour ce faire.
C’est à vous, bailleur, et/ou à votre avocat de faire le nécessaire en commandant rapidement l’expédition conforme du jugement. Un fois celle-ci obtenue, il faut la transmettre tout aussi vite à l’huissier de votre choix pour suites utiles c’est-à-dire signification et exécution.
Attention ici aussi aux délais prévus pour aboutir à une expulsion effective (à moins bien entendu que le locataire défaillant ait quitté les lieux de lui-même) :
Le jugement ne pourra être exécuté que dans le mois de la signification - au plus tôt qu’après un mois suivant la signification du jugement.
En outre, l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours ouvrables (c’est-à-dire trois semaines) après que l’huissier ait avisé, par courrier (avis d’expulsion), le locataire ou les occupants du bien de la date à laquelle il procèdera.
L’idéal est dès lors de demander à l’huissier de justice de communiquer au locataire la date d’expulsion en même temps qu’il lui signifie le jugement. Vous allez gagner trois semaines.
Ce délai de 15 jours est interrompu et l’expulsion ne peut avoir lieu si le locataire ou l’occupant communique à l’huissier, le cas échéant à l’intervention du CPAS, la preuve d’une solution de relogement qui sera effective au plus tard un mois à dater de l’avis d’expulsion. A défaut pour l’occupant d’avoir quitté le logement à la date prévue, l’expulsion peut être poursuivie.
Ce descriptif ne tient cependant pas compte que l’huissier instrumentant ne peut fixer seul la date à laquelle l’expulsion aura lieu et la notifier au locataire ou autre occupant des lieux.
Il doit en effet interpeller la commune concernée, plus précisément la Police communale pour savoir quand elle pourra mettre à sa disposition un ou des agents de police pour suites utiles, sans compter dans certaines communes de devoir demander les convenances des employés du dépôt communal pour prise en charge du mobilier et autres effets des personnes expulsées laissés sur le trottoir.
Enfin, il doit également prévoir la présence d’un déménageur privé et des témoins.
Au niveau du moratoire hivernal, les conseils du SNPC sont les suivants
La Région de Bruxelles-Capitale a donc décidé de mettre en place de manière permanente, un moratoire hivernal entre le 1er novembre et le 15 mars.
Cependant, un Fonds de solidarité a été instauré pour indemniser les bailleurs concernés qui ne peuvent donc expulser à cause du moratoire.
Outre de suivre les modalités pratiques ci-après, le SNPC insiste pour que, nonobstant le moratoire, les bailleurs d’une part, continuent à vouloir exécuter les jugements obtenus avant et les fassent signifier et d’autre part, introduisent normalement les procédures en résolution qui se justifieraient.
Ce n’est pas parce qu’il y a moratoire, et dès lors qu’il ne pourra y avoir expulsion qu’après le 15 mars, que les juges peuvent refuser de rendre jugement. Il faut de ce point de vue-là attirer leur attention sur le fait que sans jugement condamnant à des indemnités d’occupation, pas d’intervention du Fonds budgétaire régional de solidarité.
Voici les modalités pratiques d’intervention suivant le formulaire disponible en ligne :
Le Fonds budgétaire régional de solidarité intervient dans la prise en charge des indemnités d'occupation dues au bailleur empêché d'expulser pendant la période de moratoire hivernal en application de l'article 233 duodecies du Code bruxellois du Logement, aux conditions prévues au présent arrêté.
La demande de prise en charge des indemnités visées est adressée par le bailleur ou son représentant à l'administration via le formulaire disponible sur le site de Bruxelles Logement.
Une seule demande par logement est introduite au plus tôt au départ du locataire si celui-ci quitte le logement pendant la période du moratoire hivernal ou à la fin du moratoire hivernal si ce dernier réside toujours dans le logement à cette date et au plus tard le 15 septembre qui suit la fin du moratoire hivernal.
Copie de la décision judiciaire autorisant l'expulsion et établissant le montant de l'indemnité d'occupation est jointe à la demande.
Copies du contrat de bail et de la preuve de l'indexation du loyer peuvent être demandées par l'administration si la décision judiciaire fait référence au loyer repris dans le contrat de bail pour déterminer l'indemnité d'occupation, sans que le explicitement dans le jugement.
Sont éligibles à la prise en charge de l'indemnité par le Fonds régional de solidarité les bailleurs qui satisfont aux conditions cumulatives suivantes :
1) posséder une décision judiciaire après le 15 août (Le SNPC ne comprend pas la référence à cette date du 15 août et a introduit un recours en annulation à son sujet devant le Conseil d’Etat) qui autorise l'expulsion avant ou pendant le moratoire hivernal ;
2) ne pas avoir perçu l'indemnité d'occupation sollicitée après rappel adressé au locataire
Le montant pris en charge par le Fonds de solidarité est limité à l'indemnité d'occupation fixée par la décision judiciaire autorisant l'expulsion ou à défaut au montant du loyer fixé contractuellement. L'indemnité d'occupation est due pour la durée du moratoire hivernal à partir de la date à laquelle l'expulsion est autorisée et jusqu'au départ effectif du locataire. Elle est due par jour d’occupation.
Si le jugement n'a pas été signifié et que la date de signification est indispensable pour déterminer la date à partir de laquelle l'expulsion peut être exécutée, la signification est réputée avoir été faite le jour du jugement.
Toute déclaration frauduleuse est passible de poursuites pénales.
Le créancier ayant bénéficié de l'intervention du Fonds est tenu de lui restituer, sans délai, toute somme qu'il percevrait d'une autre origine que le Fonds en paiement de la créance prise en charge par le Fonds.
Pourquoi toutes ces nouvelles règles ? L’intervention des CPAS
Ces nouvelles règles ont été adoptées pour permettre aux CPAS d’intervenir (ce qu’ils peuvent faire depuis 1998 dûment informés des procédures en résolution de bail) et de prendre toutes mesures utiles pour éviter la résolution et l’expulsion ou encore trouver une solution de relogement. Le CPAS est censé venir présenter à l’audience d’introduction du dossier un rapport sur la situation du locataire défaillant et proposer des solutions.
Il y a de fortes chances que le CPAS viendra à l’audience et tentera d’obtenir une remise, n’ayant pas eu le temps de traiter le dossier, qu’il n’a pas les moyens financiers et humains d’agir alors même que la Région bruxelloise va leur accorder du personnel en plus pour ce faire.
Il faudra refuser et inviter le Juge de Paix, d’autant plus s’il y a trois mois d’arriérés, à rendre son jugement de résolution, expulsion, condamnation aux différents montants réclamés, etc.
Il faudra insister auprès du Juge sur le fait que le CPAS aura eu 40 jours pour suites utiles sans compter le délai d’un mois qu’il a fallu attendre après l’envoi de la mise en demeure pour pouvoir introduire votre procédure.
En ne faisant pas preuve de rigueur à ce sujet, vous allez encourager les CPAS à faire preuve de laxisme et d’en être victimes.
Dans les prochains mois, n’hésitez pas à revenir vers nous pour nous faire part de vos expériences.