Parlement bruxellois : débat sur les loyers qualifiés « d’abusifs » et sur la « grille des loyers »

Le CRI n°494 - Mai 2025
Parlement bruxellois : débat sur les loyers qualifiés « d’abusifs » et sur la « grille des loyers »

Une ordonnance a été votée de justesse au Parlement Bruxellois par une alliance entre le PS, le PTB et ECOLO qui va anticiper la mise en vigueur de la Grille des Loyers au 1er mai 2025.

Comme annoncé dans les médias, cette Grille des Loyers qui avait un caractère indicatif jusqu’à présent, deviendra « obligatoire » à partir du 1er mai 2025.

L’objectif est de faciliter le recours des locataires contre leurs propres bailleurs dès lors qu’ils estiment avoir une charge locative « abusive ».

Pour rappel, une ordonnance bruxelloise retient une présomption de loyer « abusif » lorsqu’il :

1. dépasse de 20% son loyer de référence. Cette présomption peut être renversée lorsqu'il est établi que la différence entre le loyer pratiqué et le loyer de référence est justifiée par des éléments de confort substantiels intrinsèques au logement ou à son environnement ;

2. n'excède pas de 20% son loyer de référence mais qu'il accuse des défauts de qualité substantiels intrinsèques au logement ou à son environnement.

Les locataires de baux d’habitation pourront ainsi saisir la Commission Paritaire Locative pour se plaindre de la hauteur du loyer convenu dans le contrat de bail.

Les locataires pourront également saisir directement les Juges de paix en sollicitant une réduction du loyer.

Nous passons en revue les positions défendues par les principaux protagonistes qui se sont exprimés lors du débat en séance plénière du Parlement bruxellois, en commençant par ceux qui ont déposé cette proposition d’ordonnance.

M. Martin Casier (PS)

[Extraits] « On voit qu'entre 2010 et 2020, les loyers ont explosé, très largement au-delà de tous les mécanismes d'indexation existant dans notre pays. Mais ce n'est pas une nouvelle : il suffit d'aller discuter avec les Bruxellois pour se rendre compte que la question du logement est de plus en plus compliquée, en raison des loyers et de la qualité des logements. »

« Dans l'entrée de gamme, la qualité du logement est nettement moins bonne que la moyenne. C'est précisément la raison pour laquelle les Bruxellois qui se retrouvent dans cette gamme de prix paient proportionnellement plus cher que pour un logement luxueux, et doivent se contenter, de surcroît, de logements présentant davantage de défauts de qualité intrinsèques. »

« En effet, l'accord politique convenait de la nécessité d'améliorer la grille. Tant que la grille des loyers n'était pas correcte, il fallait se donner du temps. Sous la législature précédente, le gouvernement a révisé en profondeur la manière de constituer la grille et de collecter les données. En commission, nous avons choisi de procéder à de longues auditions. »

« Ces longues auditions nous ont permis d'aborder le fond du débat : la grille est-elle correcte ? Reflète-t-elle la réalité ? Peut-on s'appuyer sur cet élément pour donner un nouveau droit ? La réponse à ces questions est positive. »

« Ce tableau démontre que, d'année en année, depuis 2018 jusqu'à aujourd'hui, l'évolution de l'indexation de la grille par rapport à l'évolution des prix observée par Federia est complètement cohérente. La différence entre les deux montants est minime, l'un ayant augmenté de 25 % et l'autre de 23 %. Cette différence minime n'a pas d'impact sur la comparaison des loyers ; par rapport à 2018, les loyers ont de toute façon augmenté de 143 %. »

« La grille des loyers reflète-t-elle l'évolution du marché depuis 2018 ? La réponse qui s'est imposée durant les trois semaines d'audition est indéniablement affirmative, car la grille est basée sur des faits et non sur une interprétation ou un sentiment. »

« La grille des loyers a pour objectif de représenter l'ensemble du marché. Elle inclut donc certains baux en vigueur depuis quinze ans, qui n'ont jamais été indexés par les propriétaires. »

« La vocation de la grille n'est pas d'être un indicateur pour un nouveau bien mis sur le marché. »

« Personnellement, je ne vois pas d'autre justification, parce que l'ordonnance ne crée pas un encadrement strict, mais un encadrement fin des loyers. Comme nous avons pu le voir dans plusieurs autres grandes villes, les encadrements stricts des loyers ont eu des répercussions néfastes sur le marché locatif. »

« Ils ont parfois entraîné une diminution de la construction de logements. Ils ont parfois poussé des personnes à quitter les villes concernées et n'ont pas toujours permis de faire baisser les loyers. »

« C'est pour cette raison qu'en 2021, ni nous ni vous n'avons soutenu ce texte. Nous avons cependant soutenu un texte permettant une analyse au cas par cas. Tout d'abord par un juge, car seul un juge peut rompre un contrat. Ensuite par une commission paritaire pour donner un avis. Pourquoi ? Parce que nous sommes convaincus, sur le banc socialiste, qu'une des grandes richesses de notre pays est la gestion paritaire. Cette méthode consiste à demander à des personnes opposées de s'accorder sur ce qui est juste. »

« Nous devons nous assurer qu'aujourd'hui la justesse et l'objectivité d'un propos sont acquises par l'échange, par la confrontation, par des idées parfois opposées, mais aussi l'obligation de conclure. C'est précisément le rôle de la Commission paritaire locative que nous avons constituée dans le texte de 2021 : des bailleurs et des locataires effectuent ensemble une analyse au regard de la qualité intrinsèque du bien, de sa position dans la ville, de la taille de sa terrasse, de la vue depuis son jardin, de ses hauts plafonds ou de ses mauvais parquets. Autrement dit, la Commission analyse au cas par cas la justesse du loyer. »

« L'objectif de cette ordonnance est de s'assurer que chaque Bruxellois paie un loyer juste ! Juste au regard du bien dans lequel il vit et pas uniquement au regard du quartier dans lequel se trouve son logement ! Il importe d'assurer que chaque Bruxellois paie ce qu'il doit payer. Pas plus ! »

(Applaudissements nourris sur les bancs du PS, du PTB, d'Ecolo, de Groen et de la Team Fouad Ahidar)

M. Kalvin Soiresse Njall (Ecolo)

[Extraits] « Le groupe Ecolo a déposé un texte et a ensuite cosigné le texte qui nous occupe cet après-midi, car il s'agit d'une question de justice sociale. En effet, cela fait plus de 30 ans que des locataires sont grugés en Région bruxelloise. Cela doit cesser ! »

« Pourquoi, selon nous, ce texte est-il juste ? Les propos de nos collègues selon lesquels nous voudrions régler une injustice en créant une injustice est fausse. Pourquoi ? En réalité, la Commission Paritaire Locative n'est pas une enclave outrageusement dominée par les locataires. C'est une commission paritaire. Cela signifie que les représentants des bailleurs y sont sur un pied d'égalité avec les représentants des locataires. »

« Dès lors, l'argument selon lequel une injustice serait commise à l'égard des propriétaires ne vaut pas, dans la mesure où, pour déclarer un loyer abusif, il faut discuter, échanger et se mettre d'accord. C'est la première soupape de sécurité. Et d'ailleurs, sur les trois dossiers qui ont été traités, deux ont été rejetés au motif que le caractère abusif des loyers n'avait pas été reconnu. »

« Pour nous, il existe donc une soupape de sécurité. En outre, le texte indique clairement que le fait qu'un loyer dépasse de 20 % le loyer de référence n'en fait pas automatiquement un loyer abusif. Pour qu'un loyer soit déclaré abusif, il faut avant tout tenir compte du deuxième critère, qui concerne les défauts de qualité. En outre, un dialogue est donc prévu entre les représentants des bailleurs et des locataires. »

« Pour nous, c'est fondamental, dans la mesure où il ne s'agissait pas de bloquer les loyers ou de mettre en place un encadrement qui ferait fuir les propriétaires, mais plutôt de mettre en place un outil de dialogue et d'échange, qui permet aux propriétaires et aux bailleurs de parvenir à des accords. C'est l'un de nos objectifs. Notre intention n'a jamais été d'opposer les locataires et les propriétaires, surtout lorsqu'il s'agit de petits propriétaires. »

« Comme je l'ai souligné, le premier objectif est de trouver des solutions pour lutter contre la précarité sociale qui touche de plus en plus de locataires bruxellois. Voilà des années que les citoyens paient des indus et qu'ils sont grugés, que des victimes de discriminations au logement paient des prix injustifiés. Ce n'est plus acceptable ! »

« En trente ans, le loyer moyen n'a cessé d'augmenter à Bruxelles, atteignant une hausse de 83 %, soit cinq fois plus que l'inflation et trois fois plus que le salaire moyen. »

« Pour nous, il importe de comprendre quel est notre baromètre. On l'oublie parfois, mais mon collègue l'a rappelé : dans ce débat, nous devons avoir pour boussole que le logement constitue un droit fondamental ainsi qu'un besoin essentiel et élémentaire de tout être humain. Or, actuellement, plus de 7.000 - certains bénévoles parlent de plus de 10.000 - personnes vivent dans la rue, sans logement. Beaucoup d'entre elles sont victimes des aléas de la vie (divorce, perte de revenus…). Ne pouvant plus payer leur loyer, elles se retrouvent à la rue. »

M. Louis de Clippele (MR)

[Extraits] « Certains signataires ont indiqué qu'il s'agit d'une mesure forte pour assurer que « tous les Bruxellois paieront un loyer juste », tandis que d'autres nous expliquent qu'il ne s'agit pas d'un encadrement des loyers, que ce n'est pas une mesure dure ni une mesure forte, mais qu'elle consistera en une analyse au cas par cas. »

« Je commencerai alors par une simple question. Si ce texte est adopté aujourd'hui, combien de logements à Bruxelles seront concernés par cette mesure le 1er mai 2025 : 5.000 ? 10.000 ? 70.000 ? 350.000 ? La vérité, c'est que personne ici ne le sait ! »

« En 2023, le Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires avait lancé un appel auprès de ses membres pour savoir combien d'entre eux étaient concernés par un dépassement de 20 % par rapport au loyer de référence, et 53 % des répondants étaient dans le cas. »

« En 2024, Federia avait annoncé que 56 % des baux signés en Région de Bruxelles-Capitale dépassaient le seuil des 20 %. Pire, en 2025, 95 % des annonces de logements publiées sur des plateformes comme Immoweb, Immovlan ou Logic-Immo dépassaient de 20 % le loyer de référence. »

« C'est là que se situe le problème. Vous avez dit que la Commission paritaire locative aura l'occasion d'examiner les choses au cas par cas. Or, cet organe composé de huit membres sera vite débordé si 70.000 à 350.000 ménages peuvent potentiellement le saisir. »

« Quand certains avancent ici, sans analyse d'impact et sans estimation claire, dans un flou artistique, mais avec le besoin « impérieux » d'œuvrer au nom de la justice sociale, on risque de faire plus de dégâts que de réparer des situations qui méritent une action politique. »

« Beaucoup de signataires en appellent à la régulation, car un marché non régulé serait incapable de répondre à cet enjeu. Le jeu de l'offre et de la demande ne marcherait pas. Cependant, quand ces signataires disent qu'il n'y a pas de régulation, permettez-moi de remettre leur affirmation en question. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de régulation des prix, qu'il n'y a pas de normes ni de règles en matière de logement à Bruxelles.»

« Il suffit de lire le Code bruxellois du logement, le Code bruxellois de l'aménagement du territoire et toutes les procédures opposées à quiconque souhaite investir dans le logement, que ce soit pour un investissement locatif ou pour la construction de logements. Bruxelles n'est pas un marché dérégulé pour le logement. »

« C'est sur ces enjeux-là que nous devons travailler en priorité. »

« Chacun en conviendra, Bruxelles connaît plusieurs crises : une crise budgétaire, une crise politique, sans formation de gouvernement depuis dix mois, et une crise du logement qui peut être vue comme structurelle. De grâce, chers collègues, n'amenez pas une nouvelle crise ! N'y ajoutez pas une crise de l'investissement. »

« Écoutez les sonnettes d'alarme tirées par les différents acteurs auditionnés en commission. Ce ne sont pas que les représentants des propriétaires qui nous ont alertés, ce sont aussi huit formations professionnelles actives à Bruxelles : l'Union professionnelle du secteur immobilier, l'Union des classes moyennes, Federia, Embuild et j'en passe. Tous indiquent qu'avancer avec un texte qui, en l'état, de l'aveu même de certains de ses signataires, présente encore de nombreux défauts, c'est risquer de freiner l'investissement tant nécessaire dans cette Région. »

Nous avons besoin d'action. Le MR s'est toujours montré cohérent à cet égard : voilà vingt ans que nous plaidons en faveur de l'allocation loyer ici à Bruxelles, vingt ans que nous plaidons en faveur des agences immobilières sociales, vingt ans d'opposition et vingt ans de soutien à des mesures qui ont un effet, qui donnent des résultats et constituent une aide concrète à la réalité des Bruxellois. »

(Applaudissements sur les bancs du MR, d'Open Vld, de DéFI, des Engagés, du Vlaams Belang et de Mme Sonja Hoylaerts)

Mme Clémentine Barzin (MR)

[Extraits] « Le MR, et cela a été salué aimablement, alors qu'il était dans l'opposition, s'est abstenu, en 2021, sur la mise en place de la Commission paritaire locative. Dans son programme électoral, il proposait des mesures pour lutter efficacement contre les loyers abusifs et pour rendre le marché locatif plus accessible. Pour nous, cela passe par une augmentation du nombre de logements. »

« Aussi n'avons-nous eu de cesse de plaider pour que ce dossier soit traité dans le cadre d'un accord de majorité. »

« C'est un acte grave que de banaliser au Parlement le PTB, ce parti extrême, incapable de défendre les valeurs de notre démocratie libérale face aux régimes communistes, qui attise les contestations sur la base de simplismes et polarise notre société, qui rejette le secteur privé et notre économie de marché. »

De heer Mathias Vanden Borre (N-VA)

[Extraits] « D’après une étude du professeur Damen, pour laquelle il a rassemblé des données issues de plus de deux cents autres études menées dans des villes partout dans le monde, plusieurs effets communs à l’encadrement des loyers ont été identifiés, parmi lesquels je vais en citer quatre. Il s'agit des principaux effets secondaires de cette situation. »

« Premièrement, l'offre diminuera inévitablement. Cela signifie que les personnes qui ne trouvent plus de logement sur le marché régulier ont deux options : soit elles quittent Bruxelles faute d'une offre suffisante et parce qu’elles n'ont pas d'autre choix que de déménager, soit elles doivent se tourner vers le marché noir pour se loger.

Deuxièmement, un effet négatif d'une régulation des loyers est une forte dégradation de la qualité des logements. Aujourd'hui, de nombreuses personnes à Bruxelles vivent dans des logements inadaptés. Certaines vivent même dans des caves ou occupent des logements totalement dépourvus d'isolation. Il arrive même que ces logements soient loués par des sociétés de logement social !

Troisièmement, les logements seront de moins en moins adaptés aux familles. C’est déjà un problème à Bruxelles aujourd’hui. Environ 31 % des familles vivent dans un logement inadapté, souvent trop petit, car elles ne peuvent pas louer un logement convenable.

Quatrièmement, la construction de logements risque de s’arrêter. Cela aussi, nous le savons, car nous avons été explicitement mis en garde à ce sujet en commission. Tout le secteur du bâtiment le signale. Le secteur privé tire la sonnette d’alarme.

Ce sont quatre effets communs que l’on observe à l’échelle mondiale. Dans des villes comme Stockholm, Paris ou Berlin, les effets négatifs ont été plus importants que les effets positifs escomptés. Souvent, les autorités ont tout simplement dû faire marche arrière, car la politique ne fonctionnait pas. »

Mme Marie Cruysmans (Les Engagés)

[Extraits] « Chers collègues, l'investissement financier qui est demandé au bailleur est important, et ce coût se répercute forcément dans les loyers. La perte de confiance des bailleurs et leur désinvestissement massif auxquels nous assistons déjà aujourd'hui ne feront que s'aggraver avec ces nouvelles mesures. Il en résultera un assèchement encore plus grand du marché, notamment sur les segments bas - ceux qui nous préoccupent le plus -, se traduisant par une baisse de l'offre locative, avec pour conséquence des loyers plus élevés, autrement dit un marché locatif encore plus tendu. »

« Nous risquons également d'assister à un ralentissement dans les rénovations - c'est en fait déjà le cas -, y compris énergétiques, alors que l'enjeu climatique est énorme, puisque les émissions de gaz à effet de serre à Bruxelles proviennent essentiellement du bâti, alors que la Région bruxelloise est liée par des engagements climatiques substantiels à l'horizon 2030. »

« J'en viens à la troisième raison que je voulais mentionner, à savoir notre préoccupation quant à l'engorgement plus que prévisible de la Commission paritaire locative (CPL). »

« Les membres de la CPL siègent bénévolement, hormis des jetons de présence, et doivent rendre leurs avis dans les deux mois, ce qui paraît très court, étant donné que, pour la plupart, ce ne sera pas leur activité principale. En outre, comme certains collègues l'ont rappelé, le nombre de demandes risque d'exploser. »

En conséquence, on peut craindre - comme c'est déjà le cas avec la direction de l'inspection régionale du logement - un allongement des délais de procédure devant les juges de paix, voire, de la part de certaines parties ou de leurs conseils, une instrumentalisation de la Commission paritaire locative (CPL) afin de gagner du temps. »

« En tant qu'avocate ayant travaillé plus de vingt ans dans cette matière, je trouve que cette question doit être prise en considération. En effet, l'allongement des délais et des durées de procédure induit en réalité, dans la plupart de ces dossiers, une aggravation de l'arriéré des loyers et des charges chez certains locataires. Cette situation peut s'avérer extrêmement problématique tant pour eux-mêmes que pour les bailleurs, qui doivent parfois rembourser un emprunt ou qui vivent de leur loyer. Autrement dit, cette situation n'est dans l'intérêt de personne. »

« Nous nous interrogeons également sur l'évaluation annuelle que nous attendions de la CPL. J'entends qu'elle vient d'être publiée ce matin. C'est dire la précipitation dans laquelle on nous impose le vote sur un texte si important pour cette matière du logement. À cet égard, je regrette vivement que la commission ait refusé d'entendre les membres de la CPL et les juges de paix, comme je l'avais notamment demandé. »

« Nous aurions aussi dû entendre des avocats, voire des notaires, qui sont les premiers professionnels du droit à devoir faire application des textes de loi. Je l'ai fait dans l'intervalle : j'ai entendu des juges de paix, j'ai rencontré des notaires par l'intermédiaire de leur fédération, et leur avis est tout aussi alarmant que celui des représentants des bailleurs et du secteur de la construction. »

« Ils nous mettent en garde quant au manque de sécurité juridique et à l'atteinte au principe d'autonomie de la volonté, qui est un pilier de notre droit civil contractuel. »

« Nous craignons que l'adoption du texte en l'état lui fasse manquer son objectif. Au contraire, cela aggravera la crise du logement. »

« Mon groupe est convaincu que la crise du logement ne se résoudra pas sans une augmentation de l'offre locative. Nous sommes convaincus que le prochain gouvernement devra, avec l'appui du Parlement, soutenir avec pragmatisme et efficacité toute initiative qui crée du logement abordable : renforcement et développement des agences immobilières sociales (AIS), développement des partenariats public-privé, soutien aux modèles comme l'initiative Housing Deal, incitants fiscaux, notamment des rénovations et des acquisitions en vue d'une mise en location en AIS, maintien et amélioration du système des primes, soutien aux modèles de type habitats partagés et intergénérationnels. Cela devra se faire en concertation et en partenariat avec le secteur privé. »

(Applaudissements sur les bancs du MR, d'Open Vld, de DéFI, des Engagés)

Mme Joëlle Maison (DéFI)

[Extraits] « Mesdames et Messieurs, s'il y a au moins un élément sur lequel nous serons d'accord dans cette assemblée, de la gauche à la droite, c'est que la Région est confrontée à une crise du logement abordable. »

« Premièrement, Bruxelles souffre d'un manque de logements de qualité, en particulier dans le segment bas du marché locatif privé. Cette situation donne lieu à une vive concurrence entre candidats locataires et, de façon mécanique, à une hausse des prix. »

« La deuxième raison est le fait que, à l'instar de toutes les grandes villes, la ville-région de Bruxelles-Capitale concentre une population plus précarisée que dans les deux autres Régions du pays. Chacun sait que plus de la moitié des Bruxellois répond aujourd'hui aux conditions de revenus du logement social, et la liste d'attente comprend aujourd'hui plus de 60.000 ménages. »

« Enfin, et c'est là que réside le cœur du débat d'aujourd'hui, certains bailleurs peu scrupuleux profitent de la pénurie de logements de qualité dans un segment du marché locatif caractérisé par une forte concurrence. Ils fixent un loyer parfois démesuré par rapport aux caractéristiques intrinsèques du bien proposé en location. »

« Dans un tel contexte, la mise en place d'un dispositif efficace pour protéger les locataires confrontés à des loyers manifestement excessifs était indispensable. C'est l'objectif poursuivi par l'ordonnance adoptée le 28 octobre 2021, à la suite de longs mois de négociations auxquelles DéFI a activement participé, et qui a notamment permis la création de la Commission paritaire locative (CPL) désormais pleinement opérationnelle. »

« La CPL offre un outil de conciliation accessible et gratuit aux locataires confrontés à des loyers manifestement abusifs. Pour aller plus loin dans la protection des locataires les plus vulnérables, l'ordonnance prévoit aussi une action en révision pour loyer abusif devant le juge de paix. Il s'agit des fameux articles 8 à 13 de l'ordonnance dont nous discutons aujourd'hui. »

« Précisons d'emblée que le but de cette action est de lutter contre les marchands de sommeil qui sévissent dans les quartiers défavorisés de Bruxelles, là où l'offre en logements de qualité est largement insuffisante. L'objectif n'est pas de nous immiscer dans des relations contractuelles entre bailleurs et locataires corrects et de bonne foi. »

« Nous, les parlementaires des groupes PS, Ecolo, Open Vld, Groen, Vooruit.brussels et DéFI, signataires de la proposition d'ordonnance originelle adoptée le 28 octobre 2021, avons veillé à différer l'entrée en vigueur des articles 8 à 13 qui organisent l'action en révision devant le juge de paix. Nous étions en effet tout à fait conscients que la grille indicative n'était ni suffisamment fiable, ni suffisamment représentative du marché locatif bruxellois. »

« Il va de soi qu'une grille des loyers constituée au moyen de baux collectés en 2017, 2018 et 2020 - soit il y a huit, sept et cinq ans - ne représente pas une base fiable pour refléter la réalité du marché locatif bruxellois en 2025. Si la grille doit être une photographie, nous disposons aujourd'hui d'un cliché trop ancien en noir et blanc, qui ne peut raisonnablement fonder une action judiciaire. »

« La grille n'est donc pas représentative du marché locatif privé bruxellois, elle est obsolète. C''est tout l'objet du débat : cet instrument de mesure est-il fiable ? À cette question, nous répondons non, tout comme une grande partie des experts auditionnés. »

« Précisons qu'en prenant des mesures qui découragent l'investissement immobilier à Bruxelles, ce ne sont pas vraiment les investisseurs que l'on punira. Ceux-ci ne feront que se déplacer de part et d'autre de la frontière linguistique pour réaliser leurs investissements. Ce sont les locataires qui en subiront les conséquences en étant soumis à une concurrence encore plus féroce qu'actuellement. Ne confondons pas vitesse et précipitation. »

(Applaudissements sur les bancs du MR, d'Open Vld, de DéFI, des Engagés)

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