Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 avril 2025, les locataires bruxellois disposent d’un nouvel outil pour contester leur loyer : la « grille indicative » de Bruxelles Logement. Certains en profitent pour réclamer des réductions, estimant leur loyer « abusif ». Mais cette grille repose-t-elle sur des bases solides ?
Voici quelques arguments utiles pour les bailleurs confrontés à ce type de demande.
Heureusement, les locataires sont peu nombreux à saisir la Commission Paritaire Locative avec des résultats peu convaincants jusqu’à présent.
Néanmoins il se peut que des locataires s’adressent directement à leurs bailleurs pour solliciter une réduction du loyer en vertu de l’ordonnance du 10 avril 2025 en espérant ainsi éviter un conflit devant la Commission Paritaire Locative ou devant le Juge de Paix.
Ce sont des locataires qui se rendent sur le site de Bruxelles Logement (www.loyers.Brussels) et qui constatent que leur loyer dépasse de plus de 20 % le loyer mentionné sur ce site comme « loyer de référence ».
Comment doivent réagir les bailleurs face à pareille demande de leur locataire ?
En réponse à cette demande de réduction de loyer, le bailleur doit rétorquer que le « loyer de référence » du site www.loyers.Brussels n’a pas été établi conformément à la loi.
En effet, l’article 2, § 1, 37° du CBL a défini ce « loyer de référence » comme étant « le loyer médian repris dans la grille indicative des loyers ».
Or, c’est sur cette notion de loyer « médian » que le bailleur se rendra vite compte que le loyer de référence de la grille est faussé car il n’y a quasiment pas de biens donnés en location à un loyer inférieur au loyer de référence, alors que par « loyer médian », la loi impose que 50 % des loyers devraient se situer en dessous du loyer de référence.
Les travaux parlementaires sous la précédente législature avaient bien prévu une méthodologie correcte en imposant un échantillon de 30.000 baux enregistrés pour établir une grille des loyers, mais une majorité hostile aux bailleurs en a décidé autrement sous la présente législature, par le vote de l’ordonnance du 10 avril 2025.
A ce jour, la grille des loyers ne contient pas de baux enregistrés mais est établie sur base d’enquêtes déjà fort anciennes de l’Observatoire des loyers.
Pire encore, l’administration semble refuser de tenir compte des 10.000 baux nouvellement enregistrés depuis le 1er janvier 2025 ce qui aurait déjà été un pas dans la bonne direction de la vérité.
En fait, la grille des loyers est un faux à Bruxelles ; jugez-en vous-même par l’analyse des offres de location sur Immoweb au début du mois d’août 2025.
La comparaison est faite sur base d’un appartement 2 chambres de 80 m² comptabilisés en surface nette comme l’impose le Code du Logement ce qui correspond à une surface brute d’environ 88 m².
Cette question de surface brute ou nette ajoute à la confusion car le Code du Logement s’est écarté de la pratique en Belgique qui retient la surface brute (murs inclus).
Ainsi, la notion de surface brute est retenue par l’administration du Cadastre, est utilisée par les promoteurs immobiliers (norme UPSI) et est encore toujours la norme pour l’établissement des certificats PEB à Bruxelles. C’est le cas des annonces publiées sur Immoweb.
Nous y avons repris toutes les annonces publiées pour chacune des 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale sachant qu’il n’y a quasiment plus d’annonces entre particuliers (affiches oranges) depuis la loi pénalisant la discrimination.
Comme on s’y attendait, le résultat de notre enquête est consternant puisque les loyers demandés dans toutes les communes sont « abusifs » car partout, la limite de + 20 % est dépassée :
Loyer mensuel appartement 2 chambres | |||
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| Loyer de référence de la « grille des loyers » | Loyer moyen demandé (source : Immoweb) | différence |
Anderlecht | 923 | 1.190 | + 30 % |
Auderghem | 962 | 1.515 | + 57 % |
Berchem-Sainte-Agathe | 944 | 1.238 | + 31 % |
Bruxelles-Ville | 947 | 1.637 | + 73 % |
Etterbeek | 948 | 1.628 | + 72 % |
Evere | 905 | 1.383 | + 52 % |
Forest | 930 | 1.482 | + 59 % |
Ganshoren | 907 | 1.397 | + 54 % |
Ixelles | 925 | 1.618 | + 75 % |
Jette | 928 | 1.239 | + 33 % |
Koekelberg | 923 | 1.158 | + 25 % |
Molenbeek-Saint-Jean | 851 | 1.234 | + 45 % |
Saint-Gilles | 872 | 1.397 | + 60 % |
Saint-Josse-ten-Noode | 791 | 1.392 | + 76 % |
Schaerbeek | 908 | 1.408 | + 55 % |
Uccle | 954 | 1.470 | + 54 % |
Watermael-Boitsfort | 964 | 1.605 | + 66 % |
Woluwe-Saint-Lambert | 964 | 1.552 | + 61 % |
Woluwe-Saint-Pierre | 967 | 1.485 | + 54 % |
Cela ne veut pas dire que tous les nouveaux loyers demandés sont « abusifs » car il s’agit de moyennes.
Mais nous étions très étonnés de constater que le loyer de référence de la grille publiée pour un appartement 2 chambres de 80 m² était partout inférieur à 1.000 euros par mois même dans les plus belles localisations de Bruxelles comme au Jardin du Roi à Ixelles, au Bosveldweg à Uccle ou à l’avenue de Tervueren à Woluwe-Saint-Pierre.
Dans 12 communes, le dépassement serait soi-disant supérieur à 50 % !
C’est pour cela que nous estimons que cette grille des loyers est biaisée. Le bailleur peut à notre avis simplement rejeter le loyer de référence de cette grille des loyers car elle est intentionnellement faussée.
Absence de méthodologie rigoureuse, données obsolètes, non-respect de la notion de médiane… Tant que la grille ne reposera pas sur un échantillon représentatif et transparent de baux enregistrés, elle ne peut servir de référence fiable.