Compte tenu des enjeux énergétiques et environnementaux, de nombreux propriétaires vont devoir envisager des travaux, parfois lourds en termes matériel mais également financier. En copropriété, ces investissements devront pour partie concerner les parties communes et devront être engagés par l’association des copropriétaires. C’est le fonds de réserve qui va devoir prendre en charge ces importants paiements. S’il n’est pas suffisamment alimenté, les copropriétaires vont devoir mettre la main au portefeuille en une seule fois au lieu de pouvoir le budgétiser sur plusieurs années.
Le contexte actuel
La performance énergétique des bâtiments est devenue depuis quelques mois une actualité brûlante pour beaucoup d’acteurs dans le secteur de l’immobilier. Economie d’énergie, limitation de l’indexation, primes à la rénovation, crédits hypothécaires aux taux plus favorables en cas de bon PEB, ce sont autant de sujets qui sont désormais au cœur des débats. Inutile également de rappeler que la Belgique est engagée dans un objectif de réduction de ses émissions carbones et de l’amélioration de son bâti, résidentiel ou non. Dès lors, de nombreux propriétaires s’engagent dans une perspective de rénovation, parfois lourde, de leurs habitations.
En copropriété
En copropriété, les choses sont plus compliquées puisqu’une partie des travaux concerne les parties privatives qui relèvent de la responsabilité et de l’autonomie de chacun des copropriétaires pour son lot mais la rénovation de l’immeuble relève également des parties communes. Dès lors, c’est l’association des copropriétaires qui est concerné, qui doit décider des travaux sur les parties communes, en assurer le suivi mais aussi le paiement.
C’est lors de l’Assemblée générale que les décisions sur ces travaux importants sont prises. En général, les associations de copropriétaires ne tiennent leur Assemblée qu’une fois par an, à l’occasion de l’AG Ordinaire. C’est donc souvent à l’échéance annuelle que les copropriétaires sont informés de la situation de la copropriété mais aussi des travaux en cours, à prévoir et à financer.
Faire l’autruche ?
Les travaux de rénovation tels que préconisés par les pouvoirs publics sont à l’évidence des travaux lourds qui vont devoir être planifiés dans le temps et pour lesquels il faudra faire appel à différents hommes de métier. Ceux qui pensent encore pouvoir éviter d’effectuer ces travaux risquent d’avoir une désagréable surprise car l’étau des règles contraignantes se resserre chaque jour un peu plus, compte tenu des enjeux énergétiques et environnementaux mais aussi des engagements pris par la Belgique vis-à-vis de ses partenaires européens et internationaux. Notre pays s’est engagé à s’inscrire dans une logique de résultat pour les années prochaines.
Plus encore, inutile de rappeler qu’en copropriété les décisions sont prises à la majorité soit simple soit qualifiée. Un seul copropriétaire qui s’opposerait aux travaux de rénovation pourrait se retrouver minoritaire à l’Assemblée Générale et ne pas pouvoir légitimement s’y opposer. Il devra donc suivre l’avis général émis.
Les fonds de roulement et de réserve
Le Code civil a prévu que l’Association des copropriétaires disposait d’un patrimoine, qui se sépare notamment entre un fonds de roulement et un fonds de réserve.
La loi défini ces deux fonds à savoir (article 3.86 nouveau) :
On entend par "fonds de roulement", la somme des avances faites par les copropriétaires, à titre de provision, pour couvrir les dépenses périodiques telles que les frais de chauffage et d'éclairage des parties communes, les frais de gérance et de conciergerie.
On entend par "fonds de réserve", la somme des apports de fonds périodiques destinés à faire face à des dépenses non périodiques, telles que celles occasionnées par le renouvellement du système de chauffage, la réparation ou le renouvellement d'un ascenseur ou la pose d'une nouvelle chape de toiture.
Pour faire bref, le fonds de roulement est destiné à couvrir les dépenses habituelles de la copropriété, tandis que le fonds de réserve est une sorte de tirelire pour les dépenses non courantes, imprévues ou d’investissement. Ces fonds sont distincts et l’un ne peut pas servir aux dépenses de l’autre. Impossible donc de se servir du fonds de réserve pour payer les frais courants ou l’inverse.
Utilisation du fonds de réserve pour les travaux de rénovation
Le lecteur aura compris que les importants travaux qui vont intervenir dans les années à venir sur les parties communes devront être pris en charge par le fonds de réserve. Le risque évident est que si le fonds de réserve n’est pas suffisamment alimenté pour faire face aux travaux, les copropriétaires vont devoir combler cette lacune pour permettre la mise en œuvre des travaux qui sont coûteux. Vous l’aurez compris, si l’Association des copropriétaires n’a pas anticipé ces décaissements, elle devra faire d’importants appels de fonds, et rapidement, pour faire face aux dépenses de rénovation.
De très nombreuses copropriétés n’ont pas alimenté en suffisance le fonds de réserve sur les dernières années. La difficulté est donc que ce compte épargne de l’Association des copropriétaires pourrait être quasiment vide au jour de devoir prendre en charge des travaux conséquents. Des témoignages nous reviennent selon lesquels les copropriétaires sont alors contraints de financer le fonds de réserve massivement dans un délai extrêmement court (exemple : 2.000 € par trimestre pendant deux ans par copropriétaire).
Si le fonds de réserve n’est pas suffisamment alimenté, les copropriétaires vont devoir mettre la main au portefeuille en une seule fois au lieu de pouvoir le budgétiser sur plusieurs années
En cas de cession du lot
Le copropriétaire pourrait être tenté de vendre son lot pour éviter ces décaissements. Pour rappel, la loi a décidé que le fonds de réserve appartient à l’Association des copropriétaires, il ne sera donc pas possible de récupérer son investissement dans le fonds de réserve. En outre, nul doute qu’il s’agira d’un argument de négociation du prix de vente si l’Assemblée Générale vient de décider un important appel de fonds et que le copropriétaire souhaite vendre pour l’éviter. Enfin, bien mal avisé serait le copropriétaire qui n’informerait pas son candidat acquéreur de cette situation, assimilable à n’en pas douter à une manœuvre pour vicier le consentement de l’acheteur.
Conclusion
Les investissements lourds et coûteux sont à venir pour toutes les copropriétés. C’est un fait incontestable. Il est vivement recommandé que toutes les copropriétés anticipent cette situation et provisionnent au mieux les fonds de réserve pour profiter d’un étalement des paiements. A défaut, le risque est de ne pas pouvoir faire appel à l’épargne de la copropriété et de devoir financer massivement ces fonds dans un délai très court.