Nombre de nos membres et lecteurs du présent édito auront assisté à la pièce de théâtre Le Dîner de cons de Francis Veber ou vu le film qu'il a inspiré. Le film fut un grand succès au box-office avec plus de 9 millions d'entrées au cinéma en France et il obtint plusieurs récompenses dans le cadre de la cérémonie des Césars en 1999
Le SNPC, quant à lui, a eu l'occasion de participer à une autre version de cette comédie : Les réunions de cons ! Nos membres apprécieront d'une part comment d'aucuns ont voulu manipuler les choses pour voir encore réduit les droits des bailleurs et d'autre part comment le SNPC les a défendus utilement. Par un mail du 17 août 2020, l'Administration du Logement prenait contact avec le SNPC pour nous inviter à participer à un groupe de travail sur le décret wallon du 15 mars 2018 relatif au bail d'habitation.
Il s'agissait, à la demande du Ministre DERMAGNE, d'appréhender d'éventuelles difficultés d'application du décret après seulement deux ans d'entrée en vigueur au 1er septembre 2018.
Etaient visées plus spécifiquement les thématiques suivantes :
La discrimination
Le décès du preneur
La garantie locative
Le bail de courte durée
Le bail de colocation
Le bail étudiant
Le SNPC a accepté de faire partie du dit- groupe de travail mais au même titre que l'UPSI (Union des Professionnels du Secteur Immobilier), en précisant d'emblée qu'il n'estimait pas utile en l'état de revoir la législation sans compter que la déclaration de politique générale (DPR) de la majorité actuelle ne prévoit rien à ce sujet. Les seuls points prévus par la DPR en matière de relations propriétaires locataires concernaient la caution locative, le loyer chaud, grilles indicatives de loyer et les modes alternatifs de règlement des conflits entre bailleurs et locataires.
Or, manifestement, la nouvelle législation ne pose pas de problèmes pratiques particuliers, sur base du témoignage de Madame OLEKNIK Juge de Paix à JODOIGNE et représentant les Juges de Paix dans le groupe de travail, et en tout cas pas de quoi justifier dès maintenant une intervention du législateur
La participation à la première réunion du groupe de travail nous a confirmé les craintes que nous avions de voir dans la mise sur pied de ce groupe une volonté de remettre en question la législation de manière conséquente sur différents points sans aucun rapport avec d'éventuelles difficultés d'application.
Nous allons y revenir mais il s'agit de choix politiques et nous n'avons pas manqué de l'exprimer en séance.
Il est en outre interpellant de voir que les seuls points d'appuis et d'ailleurs pas sur tous les thèmes abordés (pour lesquels il n'y a aucune référence) reposent sur de la doctrine, rédigée en outre avant même ou au moment de l'entrée en vigueur du décret et une doctrine quelquefois fort engagée. Nous pensons notamment aux écrits de Monsieur Nicolas BERNARD, certes professeur à Saint-Louis BRUXELLES mais également très actif dans la défense des locataires.
Monsieur Luc THOLOME qui était porteur et qui dirigeait le groupe de travail est également connu pour son engagement pro-locataires et la première version du PV de la réunion du groupe de travail du 28 septembre dernier est assez exemplatif de la manière dont d'aucuns veulent orienter les débats. On ne nous fera pas croire qu'un certain nombre d'omissions dans ce PV n'étaient pas voulues !
Il ne traduisait absolument pas l'absence de demande du terrain à tout le moins des bailleurs, promoteurs et investisseurs immobiliers et des Juges de Paix de voir la législation à nouveau modifiée.
Tout en respectant les opinions des uns et des autres même pour des fonctionnaires, sur le plan de l'objectivité et de la neutralité de la démarche, il y a dès lors déjà beaucoup à redire.
Mais pour en revenir, à titre exemplatif, à des points nullement justifiés par d'éventuelles difficultés d'application nous noterons la remise en question :
de la possibilité pour le bailleur de demander aux candidats locataires la preuve du paiement des trois derniers mois de loyers, alors même que la Cour constitutionnelle dans un arrêt du février 2020 a validé ce point. Le recours dont question sur cette mesure et d'autres avait été introduit par différentes associations actives dans la protection des locataires.
de la possibilité pour les parties de conclure des baux de courte durée successifs ne dépassant pas trois ans, alors même que la Cour constitutionnelle dans un arrêt du juillet 2020 a validé ce point. Le recours dont question, sur cette mesure et d'autres, avait été introduit par différentes associations actives dans la protection des locataires. Et même s'il s'agissait d'un recours contre l'ordonnance bruxelloise, on voit mal, la Cour adopter une approche différente sur le plan wallon. En outre, il y a eu compensation vis-à-vis des locataires, leur permettant de donner renom à tout moment dans le cadre d'un bail de courte durée, n'étant plus tenu jusqu'à l'échéance et l'indemnité réduite à un mois alors que la jurisprudence sur base de clauses contractuelles accordait jusqu'à trois mois.
de supprimer dans le cadre du bail de 9 années, les indemnités dues par le locataire en cas de renom durant les trois premières années en perdant de vue la ratio légis de 1991 et qui visait à ce que les locataires restent dans les lieux, pour éviter des changements de locataires qui permettent alors aux bailleurs, le cas échéant d'augmenter les loyers au-delà de l'évolution de l'index. Mais en outre il était tenu compte que le bailleur, alors même qu'il espérait conserver son locataire pendant une certaine durée était contraint de faire plus rapidement que prévu des frais de réappropriation etc… Il est fait état que ce serait un frein à la mobilité, mais ce type d'argument était déjà connu lors du vote du décret en mars 2018 et nous ne voyons pas ce qui a fondamentalement changé en deux ans et demi à ce sujet. Par ailleurs, la représentante des Juges de Paix n'a pas manqué de préciser que revoir lesdites indemnités enlevaient en outre au bailleur tout intérêt à conclure un bail de 9 ans car en concluant un bail de 9 années, il espère que le locataire restera, qu'il y aura ainsi une certaine stabilité dans ses rentrées.
Par contre, aucune suggestion n'a été faite contre les arriérés de loyers, la dégradation de biens par des locataires indélicats etc. En d'autres termes, une approche à sens unique.
Le décret sur le bail d'habitation, suite à la régionalisation de la législation sur les baux, a fait l'objet entre juillet 2014 et mars 2018 de nombreuses concertations entre les ministres successifs du Logement et les intervenants concernés dont le SNPC. Nous leur en sommes reconnaissants. Nous avons participé loyalement aux discussions intervenues.
Il a en outre été recherché – et c'était tant notre souhait que celui d'autres intervenants – de maintenir d'une part un équilibre entre les parties et d'autre part la plus grande stabilité en regard de l'ancienne législation fédérale « entrée dans les mœurs » et ne posant guère si pas aucune difficulté d'application. En outre nous faisons confiance aux Juges de Paix pour le cas échéant régler utilement les conflits locatifs.
A propos de l'équilibre entre les parties, il ne sera pas perdu de vue un troisième arrêt de la Cour constitutionnelle rendu en mars 2018 et annulant le saut d'index baux en Région wallonne. Il est plein d'enseignements sur l'approche retenue par la Cour quant à cet équilibre et les deux arrêts postérieurs dont question ci-avant vont dans le même sens.
En conclusion, le SNPC a clairement fait savoir au Ministre du Logement de la Région wallonne qu'il était opposé à toute modification de la législation en matière de baux et entend que la législature régionale en cours soit laissée pour permettre à la pratique de montrer l'existence ou non de difficultés.