Investir dans un immeuble de rapport : attention aux pièges !

Le CRI n°489 - Décembre 2024
Investir dans un immeuble de rapport : attention aux pièges !

Vous voulez investir dans l’immobilier locatif, très bien, vous développerez votre patrimoine tout en aidant la collectivité à se loger.

C’est sans nul doute un placement intéressant pour autant que vous soyez attentif aux différentes législations appropriées. Que ce soit au plan de la législation sur les baux ou de la législation administrative plus particulièrement en matière d’urbanisme, de sécurité et de salubrité.

Vous le savez certainement ces matières sont devenues régionales depuis de nombreuses années, raisons pour lesquelles par exemple les règles bruxelloises se sont extrêmement éloignées des règles wallonnes et … des intérêts des bailleurs durant la dernière législature.

Donc, si vous décidez d’acquérir un second bien pour le mettre en location, il vous faudra choisir entre une maison unifamiliale, un appartement, un commerce ou un immeuble de rapport. Chacun sera soumis à des dispositions légales au moins partiellement différentes, ce qui implique d’en être bien informé dès le départ.

Je m’arrête ici sur l’hypothèse de l’achat d’un immeuble de rapport ou annoncé comme tel.

Qu’entendons-nous par « immeuble de rapport » ? Soit il s’agit d’un immeuble conçu dès le départ avec de multiples logements faisant un tout (et là en principe pas de problème particulier) soit un immeuble ancien aménagé en plusieurs logements (et là, la vigilance est de mise).

L’achat d’un immeuble ancien « aménagé » en immeuble de rapport est plus complexe qu’il n’y paraît et je vous conseille la plus grande prudence car de nombreuses déconvenues peuvent vous attendre.

Avant d’acheter, que ce soit par agence ou non, il ne vous faudra pas prendre pour argent comptant le libellé de l’annonce. Il vous faudra avoir connaissance (preuve à l’appui) de la réalité du statut administratif de ce bien.

De nombreuses annonces parlent « d’immeuble de rapport » avec mention du nombre de logements existant dans le bien, vantant ainsi un intéressant retour sur investissement. C’est bien sûr fort alléchant (c’est le but du vendeur) mais la situation existante et vantée est-elle légale ? L’immeuble dispose-t-il de tous les permis requis ?

Situation urbanistique

Sachez en effet que tout immeuble a un statut urbanistique propre (immeuble unifamilial, commercial, bureau ou logements multiples).

Pas question d’en changer sans autorisation à demander au service de l’urbanisme de votre commune ou au service logement.

Pourtant au cours du temps, nombreux propriétaires ont changé l’affectation du bien en catimini ou tout simplement sans savoir que les aménagements entrepris nécessitaient un permis d’urbanisme.

Même si la situation décrite et vue lors de la visite du bien date de nombreuses années selon l’agence ou le vendeur, cela ne signifie pas pour autant qu’elle correspond d’office au statut administratif actuel du bien.

Il vous faudra donc, avant de signer quoi que ce soit, vous renseigner auprès de votre interlocuteur (propriétaire vendeur, agence ou notaire) sur l’existence et le contenu des permis se rapportant au bien. Quid du permis d’urbanisme ? Quid du permis de location ?

Je vous rappelle que selon l’ancien CWATUP et maintenant le CODT (en Wallonie), créer un seul logement dans un immeuble implique l’obtention d’un permis d’urbanisme. Il en est de même à Bruxelles.

Donc par exemple, si vous voulez aménager un appartement ou un studio à louer dans votre immeuble devenu trop grand pour vous ou votre ménage, il vous faut demander et obtenir un permis d’urbanisme. Cette obligation remonte à plus de 50 ans mais avec une évolution allant vers plus de rigueur. De très nombreux propriétaires ont transformé une partie de leur bien en créant par exemple un ou plusieurs kots d’étudiants, ou bien ont transformé totalement l’immeuble sans le moindre permis et sans que les services communaux ne le sachent. L’immeuble unifamilial est ainsi devenu un immeuble de rapport avec plusieurs appartements, studios ou kots d’étudiants.

Tôt ou tard cet immeuble de rapport sera mis en vente comme tel mais sans répondre aux obligations en matière d’urbanisme ce qui pourra entrainer des déconvenues sérieuses à l’acquéreur.

Il faut savoir en effet que les communes tentent de connaître et de maitriser de plus en plus précisément leur parc immobilier en raison de la crise du logement et veillent de plus en plus à la qualité des logements tant sur le plan sanitaire que sécuritaire et énergétique.

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Permis de location pour les logements de petites dimensions

Outre le statut urbanistique du bâtiment, il vous faudra aussi être mis en possession d’un permis de location si l’immeuble comporte un ou des logements de petites dimensions (moins de 28 m²) ou s’il constitue un logement collectif. Ce permis à recevoir du vendeur précise le nombre de logement autorisés et depuis quand.

Il faut savoir qu’un permis de location a une durée de validité de 5 ans après quoi il doit être renouvelé auprès de l’administration communale.

Si le vendeur ne dispose pas de permis de location alors que l’immeuble est composé de « petits » logements, méfiez-vous car la qualification d’immeuble de rapport est sérieusement douteuse.

Si le permis de location vous est présenté, sa date est importante car c’est à l’occasion de la demande de son renouvellement que vous pouvez avoir des surprises. En effet, cela ne veut pas dire que tout est parfait car le statut urbanistique n’est peut-être pas conforme à la situation concrète du bien.

Un permis de location a pu être octroyé sans que la commune, à l’époque, ne se soucie du statut urbanistique de l’immeuble.

A l’occasion de la demande de renouvellement du permis de location, les services communaux demanderont que vous justifiiez que le statut urbanistique autorise bien ce type d’occupation de l’immeuble (logements multiples et non immeuble unifamilial).

Si le vendeur ne vous a pas fourni le permis d’urbanisme existant et que le statut ne porte pas sur un immeuble à logement multiple, il vous faudra démontrer, preuves à l’appui, que la situation actuelle du bien préexistait à juillet 1994 (pour la Région wallonne). A défaut, il vous faudra introduire au service de l’urbanisme de votre commune une demande de permis de régularisation avec tout ce que cela implique à savoir recours aux services d’un architecte, visite du service des pompiers, contrôle de la conformité du circuit électrique et de gaz, etc.

Mais de plus, rien ne vous garantit que vous obteniez le permis d’urbanisme sollicité et donc le renouvellement du permis de location et l’autorisation de maintenir l’affectation telle qu’elle existe.

Il n’est pas rare qu’une maison de ville avec jardin vendue comme maison de rapport avec par exemple 6 à 8 kots ou studios doive être réaffectée en maison unifamiliale ou doive voir sa composition modifiée avec un appartement 3 chambres au rez y compris au 1erétage, le reste en kots.

Beaucoup de communes estiment qu’il y a, dans leur centre, trop de logements de petites dimensions et qu’il manque de logements pour familles avec enfants.

Bien entendu, une telle situation non envisagée lors de l’achat modifiera sérieusement la donne financière tant en investissement qu’en rendement.

Enfin, comme le SNPC le dénonce depuis longtemps, (LE CRI n°488 novembre 2024 - édito page 4 et 5) les communes sont autonomes en matière de logement, de politique d’urbanisme et de prévention incendie, de sorte qu’il n’existe aucune harmonie entre les différentes communes créant une insécurité juridique, un sentiment d’arbitraire et des surprises pour l’investisseur que vous êtes.

Conclusion

En matière d’achat d’un immeuble dit « de rapport » n’achetez pas un chat dans un sac.

Au contraire, exigez du vendeur de vous fournir tous les documents administratifs requis (permis d’urbanisme, archives des locations depuis avant juillet 1994, permis de location) car à défaut d’en disposer vous risquez sérieusement d’être engagé à votre corps défendant dans un combat administratif long et fastidieux et de devoir revoir à la hausse votre coût d’investissement.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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