Une copropriété gérée par un acte de base simplifié : une bonne idée ?

Le CRI n°455 - Juin 2021
Une copropriété gérée par un acte de base simplifié : une bonne idée ?

Certains promoteurs ou propriétaires d'un ensemble immobilier de taille réduite, usent de la possibilité qu'offre l'article 577/3, §1er. Cet article permet de voir un immeuble ne pas être soumis à la loi sur la Copropriété forcée des immeubles ou groupes d'immeubles bâtis.

Reprenons ledit article

« Les principes relatifs à la Copropriété forcée énoncés à l'article 577/2 §9 et les règles de la présente section sont applicables à tout immeuble ou groupes d'immeubles bâtis ou susceptibles d'être bâtis dont le droit de propriété est réparti par lots comprenant chacun une partie privative et des éléments immobiliers communs.

Il peut être dérogé à la présente section si la nature des parties communes le justifie, aussi longtemps que tous les copropriétaires s'accordent sur cette dérogation et moyennant un acte de base créant des parties privatives distinctes ».

Ainsi, la loi permet-elle de déroger aux articles régissant la copropriété forcée si deux conditions sont réunies :

  1. Première condition : si la nature des parties communes le justifie.

  2. Deuxième condition : aussi longtemps que les copropriétaires s'accordent.

Première condition : si la nature des parties communes le justifie

Cette première condition nous satisfait très peu.

En effet, si, au début de la vie d'une Copropriété, on espère bien naturellement qu'entre copropriétaires, aucun conflit majeur ne surgisse, il n'en reste pas moins que, dès qu'une partie commune est créée, peu importe « sa nature », un risque de conflit existe.

Ainsi, ce n'est pas parce que, pour un bloc de 4 appartements, il n'y a de partie commune existante, par exemple, que le chemin pour accéder à l'ensemble ou le jardin ou une zone de parking, qu'un litige ne peut survenir, que ce soit pour l'entretien de ce chemin, l'utilisation du jardin ou celui de la zone de parking.

Nous avons analysé un acte de base simplifié dérogatoire afin de voir quelles sont les règles applicables lors de l'application de cet acte de base simplifié, si un litige survient.

Ces règles sont celles concernant la propriété d'une chose qui appartient indivisément à plusieurs copropriétaires.

C'est une voie à éviter que de vouloir faire l'économie d'un acte de base classique, même pour les petites copropriétés

Sous la rubrique « gestion des parties communes », dans l'acte de base simplifié que nous avons analysé, nous trouvons les dispositions suivantes et nous soulignerons les termes qui sont susceptibles d'entraver la bonne gestion de cette Copropriété.

« L''unanimité est requise pour toute décision relative aux choses communes.

Les propriétaires décideront annuellement, de commun accord, des modalités de gestion des choses communes et des comptes à établir, à vérifier et à approuver à cet égard.

La gestion journalière pourra être confiée expressément à l'un des propriétaires.

Ce dernier sera seul habilité à prendre, sans avoir à s'en référer préalablement aux autres, toute décision relative à l'administration provisoire de l'immeuble ainsi que toute décision urgente ou conservatoire.

Pour toute autre décision, il doit s'en référer aux autres propriétaires et obtenir leur assentiment.

Le cas échéant, il leur proposera de se réunir pour en délibérer.

Les décisions à prendre concernant l'entretien, la réfection ou le remplacement des parties communes se prennent à la majorité des 2/3 des voix.

Chaque propriétaire dispose d'un nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parties communes.

Chaque propriétaire est tenu d'informer les copropriétaires gérants de toute nécessité ou utilité d'intervention.

Chaque propriétaire versera au copropriétaire gérant une provision pour faire face aux dépenses récurrentes ou autres ; le montant de ces provisions sera déterminé par les propriétaires à l'unanimité.

Le propriétaire qui refuse d'approuver une décision portant sur un acte d'administration nécessaire pourra y être contraint par le Juge, conformément aux termes de l'article 577/2 §6 du Code Civil ».

Pour nous, cet acte de base dit « simplifié », risque d'être compliqué.

Voyons les zones de complication.

  • Il faut une unanimité pour toute décision relative aux choses communes.

Est-ce réaliste ?

  • Rien n'est prévu quant à la tenue des Assemblées Générales, quant aux procurations, quant à la prise en compte des abstentions, des votes nuls et blancs, quant au conflit d'intérêt possible au moment du vote.

  • On ne fait pas état de décision pouvant être prise à la majorité absolue.

  • On ne précise rien sur le mode de rédaction des procès-verbaux des décisions prises.

  • Certes, on fait état d'une gestion journalière conférée à un copropriétaire.

  • Que se passe-t-il s'il n'y a pas d'unanimité pour le choix de celui-ci ?

  • On ne décrit pas quelle est l'étendue de la mission du copropriétaire qui a la gestion journalière (ce qui est précisé à l'article 577/8 §4 de la loi sur la Copropriété pour le syndic).

  • On ne prévoit rien en cas de vente d'un appartement sur l'obligation de communication par le gérant des informations aux copropriétaires entrant.

Ce règlement, après avoir rappelé le principe de l'unanimité pour toute décision (notamment en ce qui concerne l'appel de fonds pour acquitter les charges courantes et aussi les investissements) reprend plus loin que les décisions à prendre concernant l'entretien, la réfection et le remplacement des parties communes se prennent à la majorité des 2/3 des voix...

Ainsi, cette critique de cet acte dérogatoire, nous pouvons la soutenir au vu de situations rencontrées.

Prenons un exemple d'une copropriété de 5 lots

Il est déjà surprenant qu'avec 5 lots, on considère que « la nature des parties communes » permette un acte dérogatoire.

Trois des copropriétaires, dans cet immeuble nouvellement construit, se plaignent de malfaçons tant dans les parties communes que dans les parties privatives.

Ils entendent dès lors agir judiciairement, sur base de la responsabilité décennale, contre le promoteur et l'architecte.

Mais ledit promoteur, par une société tierce, est encore propriétaire d'un appartement et ne marque bien naturellement pas son accord pour voir cette action menée.

Ainsi, non seulement, l'unanimité ne pourra pas être atteinte et l'action judiciaire pour le préjudice subi aux parties communes ne pourrait être entreprise mais, de surcroît, à défaut de personnalité juridique reconnue à une Association des Copropriétaires qui n'est pas née, la procédure devra impérativement être introduite par les copropriétaires pour leurs parts indivises.

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Certes, cet acte de base dit « simplifié » renvoie à l'article 577/2 §6 qui permet à un des copropriétaires de contraindre les autres à participer aux actes d'administration reconnus nécessaires par les Juges.

Et voilà donc ce malheureux copropriétaire préjudicié par des malfaçons sur les parties communes contraint, avant même d'agir contre le promoteur et l'architecte, de commencer par une autre procédure mettant à la cause celui qui ne veut pas l'introduire pour être autorisé à mener sa procédure en réparation des malfaçons, et ce pour les parties communes sur lesquelles chaque copropriétaire a une part indivise...

Deuxième condition : aussi longtemps que les copropriétaires s'accordent

Heureusement, le législateur a permis qu'on sorte de ce système dérogatoire, la loi prévoyant « aussi longtemps que tous les copropriétaires s'accordent sur cette dérogation ».

Ainsi, il suffit donc qu'un seul copropriétaire entende quitter ce système dérogatoire pour qu'on puisse en revenir à un acte de base « normal », conforme à la loi sur la Copropriété forcée.

Mais ce n'est pas simple car le notaire appelé à rédiger cet acte de base « normal » n'officiera pas à la demande d'un seul copropriétaire.

Il tentera d'obtenir l'accord de tous.

Pour reprendre l'exemple ci-dessus, il risque fort de ne pas l'obtenir, la société téléguidée par le promoteur susceptible d'être mise à la cause par l'A.C.P. qui serait créée par cet acte de base, refusant de voir ladite Copropriété glisser vers un mode de fonctionnement que permet la loi sur la Copropriété forcée avec, notamment, une citation à la requête de cette A.C.P.

Il faudrait alors que le ou les copropriétaires désireux de voir la loi sur la Copropriété forcée s'appliquer, agissent devant le Juge de Paix pour faire désigner un administrateur provisoire avant de mener l'action judiciaire.

Ils agiront aussi ainsi s'il y a un blocage, notamment en ce qui concerne les votes à intervenir pour des appels de fonds puisque l'acte de base simplifié prévoit l'unanimité.

La compétence du Juge de Paix pour connaître d'une telle action ne nous apparaît pas contestable, celui-ci devant, en fonction des règles du Code Judiciaire, connaître « les contestations ayant pour objet l'usage, la jouissance, l'entretien et la conservation ou l'administration du bien commun en cas de Copropriété ».

Mais le Juge de Paix ne peut pas désigner un syndic puisque la loi sur la Copropriété forcée ne s'applique pas.

Le dispositif de la demande qui serait formée doit donc être assez particulier.

Nous proposerions donc que la demande formée au Juge de Paix soit proche de ce qui suit :

« De bien vouloir désigner un administrateur provisoire nanti des pouvoirs identiques à ceux conférés au syndic suivant l'article 577/8 §4 de la loi sur la Copropriété, ledit administrateur pouvant, en lieu et place de tous les copropriétaires de la résidence, signer en l'étude du notaire choisi un acte de base non dérogatoire de la Copropriété préparé par ledit notaire et portant sur l'immeuble... ».

Nous voyons mal comment sortir autrement de cet imbroglio consécutif à cet acte de base que l'on appelle erronément comme « simplifié ».

Le lecteur du présent article aura rapidement compris que, pour nous, l'acte de base simplifié n'est pas une bonne idée.

C'est une voie à éviter que de vouloir faire l'économie d'un acte de base classique, même pour les petites Copropriétés.

Rien n'empêche que celles-ci soient gérées à moindre coût par un syndic qui peut être un copropriétaire.

En effet, même si les parties communes sont réduites ou si, au début de la Copropriété, tout a l'air simple parce que les copropriétaires se connaissent et s'apprécient, des approches différentes de situations à régler concernant les parties communes arriveront immanquablement à un moment ou à un autre.

Et la loi sur la Copropriété forcée, par les règles existantes, est là pour permettre la résolution de litiges possibles.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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