Il est fréquent de vouloir diviser un logement unifamilial en plusieurs entités. La nécessité d'un permis d'urbanisme préalable pour réaliser une telle division n'a pas toujours été claire sous l'empire du CWATUPE. Depuis l'entrée en vigueur du CoDT (1er juin 2017), la question est appréhendée et régie de manière plus claire et précise, en Région wallonne.
1. La création de logement ou la modification de la destination du bien
La problématique est régie par l'article D.IV.4, 6° et 7°.
Sont ainsi soumis à permis d'urbanisme :
A. La création d'un logement dans une construction existante (article D.IV.4, al.1, 6°)
La création d'un nouveau logement dans une construction existante est soumise à permis d'urbanisme préalable.
L'alinéa 2 définit désormais la notion de « logement » :
« créer, avec ou sans travaux, un nouvel ensemble composé d'une ou plusieurs pièces, répondant au minimum aux fonctions de base de l'habitat, à savoir cuisine, salle de bain ou salle d'eau, wc, chambre, occupé à titre de résidence habituelle ou de kot et réservé en tout ou partie à l'usage privatif ou exclusif d'une ou plusieurs personnes qui vivent ensemble, qu'elles soient unies ou non par un lien familial ».
Cette définition implique que les conditions cumulatives suivantes soient réunies :
Un nouvel ensemble composé d'une ou plusieurs pièces de vie ;
Comprenant les fonctions de base de l'habitat (cuisine, salle de bain ou salle d'eau, wc, chambre) ;
Occupé à titre de résidence habituelle ou de kot ;
Réservé en tout ou partie à l'usage privatif ou exclusif d'une ou plusieurs personnes ;
Des personnes vivant ensemble, avec ou sans lien familial.
Créé avec ou sans travaux.
Le nouveau logement doit donc consister en un ensemble autonome, distinct du logement existant, disposant au minimum des fonctions de base, utilisé de manière privative et exclusive.
Ainsi si vous aménagez dans votre habitation, au dernier étage, deux chambres pour des jeunes travailleurs, qui disposent d'une salle de bain et d'une cuisine commune mais propres à eux, vous devez obtenir un permis d'urbanisme pour la création de ce logement.
Par contre si ces locataires partagent les pièces de vie communes avec l'habitation, aucun permis d'urbanisme ne sera requis, sous réserve de la création de kots (cfr infra).
Si ces chambres ne sont occupées que de manière occasionnelle, il ne s'agira pas non plus de la création d'un logement nécessitant permis.
B. La modification de la destination de tout ou partie d'un bien, en ce compris par la création dans une construction existante d'un hébergement touristique ou d'une chambre occupée à titre de kot si cette modification figure sur une liste arrêtée par le Gouvernement (article D.IV.4, 7°)
Cette « liste » est arrêtée par l'article R.IV.4-1 de l'arrêté du 22 décembre 2016 du Gouvernement wallon (partie réglementaire du CoDT).
Celui-ci dispose « l'utilisation en tant que chambre d'étudiant occupée à titre de kot d'une ou plusieurs pièces existantes est une modification de destination de tout ou partie d'un bien ».
Une exception est toutefois prévue : s'il ne s'agit que d'une seule chambre occupée à titre de kot chez l'habitant, cette transformation ne nécessite pas de permis d'urbanisme (article D.IV.4, alinéa »).
La notion d'habitant n'est pas définie mais il nous semble devoir la comprendre comme la personne qui a sa résidence principale dans l'habitation concernée.
Ainsi si votre habitation unifamiliale est louée à des étudiants en plusieurs kots, un permis d'urbanisme sera requis alors que si ceux-ci la louent en colocation (notamment avec un seul bail), elle pourrait en être dispensée.
L'aménagement d'une chambre dans le cadre de logement « kangourou » ou pour l'accueil d'un parent en sera également dispensé.
Soyez donc prudent si vous souhaitez affecter une partie de votre habitation ou d'un immeuble unifamilial à un logement complémentaire. Selon les circonstances, l'occupation et l'aménagement des lieux, la nécessité d'un permis d'urbanisme ou non s'imposera, sous réserve d'éventuels autres travaux qui seraient entrepris pour procéder à ces aménagements et qui nécessiteraient un permis.
Soyez également attentif à distinguer la problématique du permis d'urbanisme avec celle du permis de location, lequel est régi par le Code wallon de l'habitat durable lorsqu'il s'agit de « petits » logements individuels ou de logements collectifs.
Il s'agit de permis différents, relevant de polices administratives distinctes qui, si elles sont souvent liées, doivent faire l'objet de procédures différentes qui pourront se cumuler.
2. Le cas particulier de la colocation
Le cas particulier de la colocation, phénomène de plus en plus répandu, avait déjà suscité de nombreuses interrogations sous le régime du CWATUP (Code wallon de l'Aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine) : l'usage dans un bien unifamilial d'une affectation autre qu'à une seule famille était souvent considéré comme impliquant la création d'un nouveau « logement » au sens de l'article 84 §1, 6° du CWATUP ou la modification de l'affectation au sens de l'article 84§1, 7° du CWATUP, et par conséquent l'obtention d'un permis d'urbanisme préalable.
Le CoDT n'a pas réglé la question. La colocation n'est pas définie dans le CoDT, ni visée dans l'article D.IV.4 précité.
Il y a lieu de se référer à la jurisprudence du Conseil d'Etat qui a tranché la question dans plusieurs arrêts rendus sous l'empire du CWATUP mais qui peuvent être transposés à ce jour.
Par un arrêt du 20 avril 2017 du Conseil d'Etat (C.E., n°2367.973, Ville d'Ottignies-LLN/Région wallonne), celui-ci a considéré qu'une demande de permis visant à transformer une habitation unifamiliale en logement collectif (colocation) ne constituait ni un changement d'affectation, ni la création d'un nouveau logement, et ne nécessitait donc pas de permis d'urbanisme préalable pour procéder à cette transformation :
« Partant, l'ouverture de l'habitation unifamiliale à la colocation, c'est-à-dire à des personnes qui vont vivre ensemble dans l'immeuble en se partageant le loyer, en l'utilisant comme le font les membres d'une famille et qui sont peut-être les membres d'une famille, ne constitue pas un changement de destination contraire au permis délivré pour l'habitation unifamiliale. La colocation ainsi conçue ne crée pas de nouveau logement.
A ce sujet, l'acte attaqué contient les motifs suivants :
“Considérant que la colocation constitue un mode d'habitat communautaire résultant du choix des résidents de vivre ensemble (motivé par des relations personnelles circonstanciées) ;
Considérant que ce mode d'habitat trouve par nature sa place dans une habitation présentée comme l'archétype d'une habitation unifamiliale avec jardin ; que ce mode d'habitat génère par nature une vie communautaire évidente, choisie par les occupants et qui est proche d'une vie en famille ; qu'en outre, pareille colocation se caractérise également par sa réversibilité; qu'elle n'annihile pas le retour à la vocation première d'habitation unifamiliale traditionnelle ;
Considérant que la demande ne génère pas un nombre d'habitants plus élevé que si l'habitation était occupée par une famille telle un couple avec leurs enfants étudiants ;
Considérant que, sur base de ces éléments, la situation de colocation visée en l'espèce ne crée pas un nouveau logement au sens de l'article 84, § 1er, 6° du CWATUP. »
Cet arrêt, suivi par d'autres (arrêt n°244.580 du 22 mai 2019, Ville d'Ottignies-LLN/Région wallonne), a ainsi tranché une question qui demeurait controversée et apporte une interprétation qui demeure d'actualité sous le régime du CoDT.
D'un point de vue civil, la colocation est désormais par contre expressément prévue par le décret wallon du 15 mars 2018 relatif au bail d'habitation.