La colocation nécessite-t-elle l’obtention d’un permis d’urbanisme ?

Le CRI n°485 - Juin 2024
La colocation nécessite-t-elle l’obtention d’un permis d’urbanisme ?

Tant en Région wallonne qu’en Région bruxelloise, la colocation n’est pas définie ni visée en tant que telle dans le CoDT ou le COBAT* .

*Sous réserve des réformes actuellement en cours tant en Région wallonne qu’à Bruxelles. A l’heure d’écrire le présent article, nous ne disposons pas encore de la partie réglementaire modifiée du CoDT (approuvée par le Gouvernement wallon le 25 avril 2024, mais pas encore publiée), et ne savons pas si la réforme du RRU « Good Living » à Bruxelles sera adoptée.

Dans les 2 régions, sont respectivement soumises à permis d’urbanisme :

  • la « création d’un nouveau logement dans une construction existante » (article D.IV.4, 6° CoDT)

  • la « modification du nombre de logements » (article 98 §1er, 12° COBAT),

  • ou encore la modification de destination pour créer un kot, ou la modification de l’utilisation d’un bien (lesquels sont arrêtées par une liste déterminée par le Gouvernement).

Création d’un nouveau logement ?

Selon le CoDT, par « créer un nouveau logement », il faut entendre :

« créer, avec ou sans travaux, un nouvel ensemble composé d’une ou plusieurs pièces, répondant au minimum aux fonctions de base de l’habitat, à savoir cuisine, salle de bains ou salle d’eau, wc, chambre, occupé à titre de résidence habituelle ou de kot et réservé en tout ou partie à l’usage privatif ou exclusif d’une ou plusieurs personnes qui vivent ensemble, qu’elles soient unies ou non par un lien familial ».

Cette définition implique que les conditions cumulatives suivantes soient réunies :

  • un nouvel ensemble composé d’une ou plusieurs pièces de vie ;

  • comprenant les fonctions de base de l’habitat (cuisine, salle de bains ou salle d’eau, wc, chambre) ;

  • occupé à titre de résidence habituelle ou de kot ;

  • réservé en tout ou partie à l’usage privatif ou exclusif d’une ou plusieurs personnes ;

  • des personnes vivant ensemble, avec ou sans lien familial ;

  • créé avec ou sans travaux.

Le nouveau logement doit donc consister en un ensemble autonome, distinct du logement existant, disposant au minimum des fonctions de base, utilisé de manière privative et exclusive.

En Région de Bruxelles-Capitale, le glossaire du PRAS définit le logement comme « Ensemble de locaux ayant été conçus pour l'habitation ou la résidence d'une ou plusieurs personnes, pour autant qu'une autre affectation n'ait pas été légalement implantée, en ce compris les maisons de repos et les lieux d'hébergement agréés ou subventionnés, et à l'exclusion des établissements hôteliers ».

La colocation est-elle visée ?

La question a été posée à quelques reprises, dans des procédures soumises au Conseil d’Etat, quant à savoir si la transformation d’une maison unifamiliale en une colocation était constitutive d’une des hypothèses énoncées ci-avant.

Par un arrêt du 20 avril 2017 du Conseil d’Etat (C.E., n°2367.973, Ville d’Ottignies-LLN/Région wallonne), celui-ci a considéré qu’une demande de permis visant à transformer une habitation unifamiliale en logement collectif (colocation) ne constituait ni un changement d’affectation, ni la création d’un nouveau logement, et ne nécessitait donc pas de permis d’urbanisme préalable pour procéder à cette transformation :

« (…) l'ouverture de l'habitation unifamiliale à la colocation, c'est-à- dire à des personnes qui vont vivre ensemble dans l'immeuble en se partageant le loyer, en l'utilisant comme le font les membres d'une famille et qui sont peut-être les membres d'une famille, ne constitue pas un changement de destination contraire au permis délivré pour l'habitation unifamiliale. La colocation ainsi conçue ne crée pas de nouveau logement. »

En Région de Bruxelles-Capitale, le même raisonnement peut être tenu et aucun permis de division n’est requis pour une colocation, pour autant qu’il s’agisse bien de ce cas de figure (et que d’autres actes et travaux ne soient entrepris dans le bien qui nécessiteraient un permis d’urbanisme pour leur réalisation).

Ainsi, il convient ainsi de veiller à ce que l’immeuble demeure bien « un » seul logement, partagé avec des chambres privatives (qui ne sont pas des unités de résidence autonomes) et des espaces communs (cuisine, salle à manger, salon, etc.), avec un n° de police unique.

Il s’agira d’une appréciation au cas par cas par les tribunaux de la « colocation ».

Ainsi par un arrêt de la chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Bruxelles du 27 octobre 2021 (ayant fait l’objet d’un arrêt de Cassation du 4 octobre 2023 qui a rejeté le pourvoi), la Cour a considéré que la colocation telle que présentée par les colocataires ne correspondait pas à la réalité, notamment au motif que les prétendus colocataires ne se partageaient pas entre eux les espaces, avec une répartition individuelle des loyers et charges, sans solidarité entre eux, avec pas moins de 15 chambres, de sorte que la transformation de l’immeuble en chambres et kots constituait, pour la Cour, une modification du nombre de logements soumise à permis d’urbanisme. Cet arrêt – critiquable* - semble à ce jour isolé mais il convient de rester prudent.

*Pour un commentaire de cet arrêt : Menace sur le coliving à Bruxelles (Cassation, 4 octobre 2023) | Carnet de route en droit immobilier (gillescarnoy.be)

Permis d’urbanisme ne vaut pas permis de location

Si aucun permis d’urbanisme n’est requis, il n’en va pas de même du permis de location.

Celui-ci relève de la police du logement, à bien distinguer de la législation urbanistique, et en Région wallonne, le Code wallon de l’habitation durable impose un permis de location pour un « logement collectif », celui-ci étant défini comme un « logement dont au moins une pièce d’habitation ou un local sanitaire est utilisé par plusieurs personnes majeures ne constituant pas un seul ménage ».

A l’exception de 2 hypothèses (article 9) :

  • Si le logement est situé dans le bâtiment où le bailleur a sa résidence principale, qu’il est loué à 2 ménages au plus et avec un maximum de 4 personnes ;

  • Si le logement est occupé par moins de 5 personnes majeures qui ne constituent pas un seul ménage et qui sont liées par un contrat de colocation.

Le permis de location n’existe par contre pas en Région de Bruxelles-Capitale.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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