Lutte contre les logements inoccupés

Le Cri n°490 - Janvier 2025
Lutte contre les logements inoccupés

Récemment, nous avons eu l’opportunité d’assister à un exposé organisé par Bruxelles Logement sur le thème de la lutte contre les logements inoccupés.

Cette thématique pouvant concerner certains parmi vous, nous nous en faisons l’écho ici.

Dorénavant, maintenir un logement inoccupé ou l’utiliser de manière non conforme à sa destination de logement durant plus de 12 mois consécutifs constitue une infraction au Code bruxellois du logement !

Et les autorités compétentes se sont dotées des moyens de poursuivre ces infractions.

Le sujet fait l’objet d’une attention accrue de la part des autorités bruxelloises vu la demande sans cesse croissante de logements abordables. La crise du logement est bien là. Aussi la lutte contre les logements inoccupés se hisse-t-elle parmi les priorités des autorités concernées.

Comment cela fonctionne-t-il concrètement ?

Un bref historique du cadre légal

Il faut chercher la source de ce cadre légal en 2003 dans la première mouture du Code bruxellois du logement où il est déjà question du droit de gestion publique (DGP).

A partir de 2009, maintenir un logement inoccupé devient une infraction administrative. La matière, jusqu’alors gérée par les communes, passe dans le giron de la Région qui, lorsqu’elle constate une infraction, peut infliger une amende administrative. Une action en cessation devant le président du tribunal de première instance est également ouverte pour faire cesser l’inoccupation.

En 2022-2023, un nouveau train de mesures est mis en place :

  • Création du service régional des logements inoccupés ;

  • Instauration d’un inventaire régional des logements inoccupés ;

  • Révision du prêt DGP ;

  • Révision des conditions de reprise anticipée du DGP ;

  • Nouveaux critères de présomption d’inoccupation ;

  • Clarification des moyens de défense et justifications.

Pour mettre ces mécanismes supplémentaires en œuvre, la Région se dote d’un service régional des logements inoccupés composé de deux cellules :

  • la cellule contrôle qui remplit 3 missions essentielles : identifier les logements présumés inoccupés, réaliser un inventaire des logements effectivement inoccupés et contrôler la règlementation ;

  • la cellule réhabilitation qui soutient les opérateurs de gestion publique et met en œuvre le droit de gestion publique et diligente les procédures judiciaires d’action en cessation.

La cellule contrôle est constituée de 8 agents avec un profil pluridisciplinaire pour remplir les trois missions essentielles décrites au point précédent.

Dans la pratique

Le droit de gestion publique au bénéfice de qui ?

Son objectif est de réaliser les travaux de rénovation nécessaires pour mettre le bien en conformité afin que ce dernier soit conforme et puisse être proposé à des locataires.

Quels locataires exactement ? Pas n’importe lesquels mais ceux qui remplissent les conditions d’accès au logement social et soit, sont obligés de quitter un logement inhabitable soit, occupent un bien qui a fait l’objet d’une interdiction à la location.

L’identification des logements inoccupés

Alors qu’au départ, les logements vides étaient estimés entre 15 000 et 35 000, une étude confiée par Bruxelles Logement au Brussels Studies Institute a permis entre autres d’obtenir la première estimation fiable du nombre de logements inoccupés à Bruxelles, et plus précisément de ceux qui pourraient être remis sur le marché.

Au total, ce nombre est tombé en-dessous de 2% du parc immobilier bruxellois, soit un ordre de grandeur de 4500 logements. On est loin des 15-35 000 estimés au départ !

Ce nombre de 4500 logements peut donc paraître peu élevé mais il ne faut pas confondre logements et bâtiments tels que les bâtiments de bureaux, d’anciens locaux industriels. Tous n’ont pas une vocation résidentielle.

On retiendra aussi que si les Airbnb en règle légalement ne sont pas dans le viseur, il y a toutefois un protocole avec le SPF Economie pour vérifier s’il y a bien eu changement de destination urbanistique avant de transformer le logement résidentiel en logement Airbnb.

Depuis la dernière réforme du CBL de 2022 portant sur le sujet, les critères de présomption d’inoccupation pouvant justifier l’activation de la cellule contrôle sont notamment :

  • Lorsque personne n’est inscrit à l’adresse aux registres de la population (néanmoins, cette présomption peut être trompeuse ; on pense ainsi aux étudiants ou aux eurocrates).

  • Lorsqu’aucun bail d’habitation n’est enregistré à cette adresse (on comprend mieux pourquoi la cellule contrôle attend avec impatience la mise en place du service régional de l’enregistrement…).

  • Lorsque les lieux ne sont pas garnis de mobilier suffisant eu égard à la destination du bien.

  • Lorsque les consommations d’eau ou d’électricité sont insuffisantes (on parle d’une consommation d’eau inférieure à 5 m³ par an ou de consommation d’électricité inférieure à 10 kWh par an).

  • Lorsque le bien est frappé d’interdiction à la location par la DIRL depuis plus de 12 mois.

  • Lorsque le bien est déclaré inhabitable depuis plus de 12 mois en vertu d’une ordonnance communale dans le cadre de la mission dévolue aux communes de veiller à la sûreté publique (voyez l’article 135 de la loi communale).

  • Lorsque le bien a fait l’objet d’un P-V d’infraction urbanistique pour modification illicite de sa destination.

Lorsqu’un avertissement est envoyé par la cellule contrôle au propriétaire, celui-ci a trois mois pour se défendre, soit en prouvant que le logement est occupé soit en justifiant l’inoccupation du logement. Dans ce dernier cas, les justifications sont généralement la programmation ou la réalisation de travaux ou une raison légitime ou un cas de force majeure.

En cas de « programmation ou réalisation de travaux », il est dorénavant exigé de démontrer que les travaux sont effectués de manière effective, continue et diligente.

Les contrôles sont effectués annuellement et sont clôturés lorsque le bien est à nouveau habité.

Le DGP peut être activé par des opérateurs de gestion publique (OGP) ou par la cellule de Contrôle.

Vous trouverez ci-dessous le schéma de procédure administrative tel qu’il nous a été proposé par Bruxelles Logement lors de sa conférence :

Vous ne répondez pas ou n’apportez pas de justification ? Vous êtes passible d’une amende administrative.

Vous trouverez la manière de la fixer dans l’information diffusée sur le site de Bruxelles Logement que nous reproduisons ci-dessous :

A noter que, si l’inoccupation persiste, cette amende sera multipliée par deux la 2ème année d’inoccupation, par trois la 3ème et ainsi de suite.

Vous refusez de collaborer ? Vous n’êtes pas à l’abri d’une action en cessation.

C’est une action judiciaire devant le Président du Tribunal de première instance afin d’ordonner au propriétaire la cessation de l’inoccupation en prenant toute mesure utile dans un délai raisonnable.

Cette action appartient aux autorités administratives ou aux associations ayant pour objet social la défense du droit au logement telles que le Rassemblement Bruxellois pour le Droit à l’Habitat (RBDH) par exemple.

La procédure peut aboutir à la condamnation du propriétaire à remettre son bien en état sous peine d’astreinte .

La mise en œuvre du droit de gestion publique

Par ce mécanisme, avec l’accord du propriétaire, l’Opérateur de gestion publique (OGP) prend temporairement en gestion un logement inoccupé pour le rénover et le mettre en location.

Pour financer les travaux (en ce compris les frais d’architecte et des frais d’étude), il est possible de recourir au Fonds de droit de gestion publique.

C’est ensuite l’OGP qui se chargera de la gestion de l’immeuble et de sa mise en location.

Si le propriétaire souhaite reprendre son bien, il ne pourra le faire qu’après une première occupation et moyennant le remboursement des frais de prise en gestion publique (tous les actes et travaux liés à la réhabilitation et ceux incombant au bailleur durant la gestion).

Il sera également tenu de respecter la règlementation des loyers durant 9 ans après la première occupation de son bien sous peine de sanction (amende administrative et remboursement du trop-perçu au locataire).

Il y a quelques semaines, les médias se faisaient l’écho de la signature d’un premier contrat de gestion .

Les successions vacantes

L’Opérateur de gestion publique a également le pouvoir de régler le sort des immeubles inoccupés pour lesquels les propriétaires sont décédés ou sans héritiers connus.

Depuis 2022, il a ouvert une dizaine de dossiers de cet ordre et saisi le Tribunal de la Famille d’une demande de désignation d’un curateur à succession vacante dont la mission sera de retrouver d’éventuels héritiers, ou que le bien tombé dans le giron de l’Etat puisse être réhabilité en vue d’être offert à la location.

Conclusion du SNPC

Cette conférence introduite par Monsieur Van Vooren, Directeur Général de Bruxelles Logement, présentée par Monsieur Champigny, coordinateur du service régional des logements inoccupés, et Monsieur El Kejairi, coordinateur de la cellule contrôle, était très éclairante et nous remercions Bruxelles Logement pour son invitation.

Si le SNPC n’a jamais approuvé de laisser des logements inoccupés à des seules fins spéculatives et estime que cela mérite en effet d’être sanctionné, il s’interroge néanmoins sur l’ampleur des moyens considérables mis en œuvre par la Région pour combattre un phénomène somme tout assez marginal.

Ce qui est également contestable, surtout eu égard à la raison évoquée par les autorités bruxelloises, à savoir la pénurie de logements abordables, est la fiction selon laquelle un immeuble effectivement occupé par des résidents est considéré comme « inoccupé » si cette occupation n’est pas conforme à la situation urbanistique, comme par exemple un logement au rez-de-chaussée autrefois utilisé comme bureau ou un propriétaire qui décide de ne pas relouer un étage de sa maison pour l’occuper entièrement lui-même.

De même, tant que les pouvoirs publics considéreront les bailleurs comme un ennemi dont il faut se défier et neutraliser, il ne faudra pas s’étonner que d’aucuns choisissent le moyen le plus simple pour avoir un retour sur investissement décent en recourant au Airbnb sans se douter des procédures à respecter, surtout lorsqu’on connaît les défis énergétiques qui sont à notre porte et les travaux de rénovation très coûteux qui en résulteront.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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