Propriétaire vendeur et agent immobilier : une relation délicate

Le CRI n°458 - Novembre 2021
Propriétaire vendeur et agent immobilier : une relation délicate

L'analyse de toutes les obligations, tant à charge du propriétaire vendeur qu'à charge de l'Agent immobilier, lors de la conclusion d'un contrat entre ces deux parties, serait fastidieuse

De nombreuses questions sont souvent posées et, à titre non exhaustif, nous les rappelons :

  • Quel est le devoir d'investigation de l'Agent immobilier sur la solvabilité de l'amateur ?

  • Quelles sont les informations sur le bien que l'agent doit impérativement communiquer ?

  • Doit-il vérifier ces informations lorsqu'elles sont communiquées par le vendeur, avant de les transmettre à l'acquéreur ?

  • Qu'en est-il de son droit à la rémunération ?

  • Que devient ce droit si la condition suspensive qu'est l'accord pour un crédit insérée dans le compromis ne se réalise pas par la faute de l'acquéreur ?

Nous pourrions revenir sur ces questions dans un article ultérieur mais nous veillerons, dans le présent article, à nous limiter à une question très souvent rencontrée : l'agent a-t-il droit à sa rémunération si, après le terme de sa mission, le bien qu'il était chargé de vendre a été vendu directement par le propriétaire à une personne mise au courant de la vente grâce à la publicité de l'Agence ?

Partons de l'Arrêté Royal du 12 janvier 2007 en son article 2, 7° relatif à l'usage de certaines clauses dans les contrats d'intermédiaire d'agents immobiliers :

« Si le contrat d'intermédiaire prévoit que l'Agent immobilier a droit à une indemnité pour les contrats conclus par le consommateur après la fin du contrat d'intermédiaire, cela n'est possible qu'à la condition que l'Agent immobilier ait donné à l'autre partie à ces contrats une information précise et individuelle.

Le contrat d'intermédiaire stipule que l'Agent immobilier transmet au consommateur, dans les sept jours ouvrables suivant la fin du contrat d'intermédiaire, la liste des personnes à qui il a donné une information précise et individuelle.

L'indemnité n'est due que si le consommateur conclut le contrat avec une de ces personnes ou avec les personnes qui sont dans une relation avec celles-ci tel qu'il est raisonnable d'admettre qu'elles disposaient de l'information donnée suite à cette relation.

L'Agent immobilier n'a droit à l'indemnité que si le contrat est conclu par le consommateur dans les six mois qui suivent la fin du contrat ».

La Cour d'Appel de Mons, dans un Arrêt du 29 juin 2017, a repris, sur base de cette disposition, les conditions qui devaient être réunies :

L'agent doit avoir donné au co-contractant de son client une « information précise et individuelle ».

Ces deux qualificatifs requièrent donc, dans le chef de l'agent, une communication à l'amateur qui soit exhaustive sur les caractéristiques de l'immeuble.

Il ne suffirait donc pas que, au client rentrant dans l'Agence, il soit montré quelques photos sans que, à la demande de l'amateur, les caractéristiques de l'immeuble n'aient pas été clairement précisées.

Certains agents, conscients de l'importance d'une telle obligation, ne manquent pas, lorsqu'un amateur se présente, de lui faire signer un formulaire établissant qu'il a été éclairé sur les caractéristiques du bien.

De cette façon, l'agent peut éviter ultérieurement qu'il lui soit opposé que cette information n'était pas à suffisance précise et individuelle.

« L'agent doit transmettre à son client, dans les sept jours ouvrables suivant la fin du contrat, la liste des personnes à qui il a donné cette information précise et individuelle ».

Sur ce point, l'Arrêt de la Cour d'Appel se montre particulièrement strict puisque la demande d'indemnité de l'Agent immobilier fut rejetée, suite au non-respect de cette condition.

L'agent immobilier n'a droit à l'indemnité que si le contrat de vente est conclu dans les six mois qui suivent la fin du contrat d'intermédiaire.

La Cour d'Appel relève :

« Le respect du délai de sept jours ouvrables pour l'envoi de la liste de ses clients par l'Agent immobilier, qui a pour but de protéger le consommateur, est dès lors une condition du droit de l'Agent immobilier de percevoir une rémunération pour une vente conclue après l'expiration du contrat, de sorte qu'en l'espèce, cette clause ne peut sortir ses effets ».

La Cour cite une doctrine abondante sur ce point.

Quand bien même il serait démontré par l'agent l'existence d'une information précise et individuelle donnée à l'amateur qui ultérieurement a acquis le bien, l'absence de transmission de la liste lui retire son droit à la rémunération.

Enfin, que se passe-t-il si le contrat est conclu entre le vendeur et une connaissance de la personne qui a pris des renseignements auprès de l'agence et qui a « tuyauté » cette connaissance ?

« L'indemnité n'est due que si le consommateur conclut le contrat avec une de ces personnes ou avec les personnes qui sont dans une relation avec celle-ci tel qu'il est raisonnable d'admettre qu'elles disposaient de l'information donnée suite à cette relation ».

Il s'agit là d'une condition susceptible de générer un réel débat.

Comment l'Agent immobilier pourrait-il établir la relation de l'acquéreur avec une personne qui a reçu cette information précise et individuelle et qui l'a communiquée à cet acquéreur ?

Passer outre de l'Agence, sans être découvert, et ainsi agir par la bande peut revêtir un intérêt financier important tant pour le vendeur que pour l'acquéreur et mettre abusivement hors coup l'agent immobilier qui a fait connaître le bien.

Le vendeur pourrait ainsi faire l'économie des frais d'agence ; quant à l'acquéreur, sachant que le vendeur ne doit pas supporter les frais, il pourrait être tenté de repartir dans la négociation en proposant un prix inférieur au prix initial tout en veillant à ce qu'il soit supérieur au prix proposé par l'Agence moins la commission que le vendeur aurait dû rétrocéder à celle-ci.

Ainsi, la tentation pour les deux parties de court-circuiter illégalement l'Agence est grande.

Il est donc légitime que l'agent soit particulièrement attentif.

« L'Agent immobilier n'a droit à l'indemnité que si le contrat de vente est conclu dans les six mois qui suivent la fin du contrat d'intermédiaire ».

Si le propriétaire trouve un acquéreur ne figurant pas dans la liste qui lui est communiquée, ce délai est évidemment sans effet.

Certains pourraient se poser la question suivante : ce délai n'est-il pas trop court ?

On pourrait en effet imaginer, lorsque la rémunération de l'agent est importante au vu du prix élevé demandé pour le bien, et au cas où le vendeur et l'acquéreur ne sont pas pressés, s'il n'y a pas un risque de voir tous deux attendre le délai de 6 mois pour la conclusion du contrat.

En conclusion

Nous croyons pouvoir soutenir que la protection de l'agent, sur base de l'Arrêté Royal du 12 janvier 2007, est relative et que, partant, s'il est démontré une réelle stratégie de l'acquéreur, du vendeur ou des deux parties agissant de concert, il pourrait alors être soutenu, dans le cadre d'un débat judicaire qui viendrait à naître, que n'est pas respecté l'article 1134 alinéa 3 du Code Civil portant sur l'obligation d'exécution de bonne foi d'une convention, même si les dispositions légales sont respectées.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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