Allongement des procédures en justice et moratoire hivernal à Bruxelles

Le CRI n°475 - Juin 2023
Allongement des procédures en justice et moratoire hivernal à Bruxelles

Le Syndicat National des Propriétaires et des Copropriétaires (SNPC) a pris connaissance du dépôt au Parlement bruxellois d’un projet d’ordonnance visant à modifier la procédure judiciaire en matière de contentieux locatif pour allonger les délais et retarder le plus possible les expulsions.

Pour les bailleurs, le SNPC évalue la perte complémentaire de loyers (et n’oublions pas les charges dans les immeubles en copropriété) à trois mois portant ainsi la récupération des logements de 3 à 6 mois si pas plus.

Il en va de même de la mise en place d’un moratoire hivernal interdisant les expulsions entre le 1er novembre et le 15 mars.

Au train où vont les choses, avec le concours de DEFI et de l’OPEN VLD, ces mesures devraient être votées dans le courant de ce mois de juin.

Dans notre éditorial du CRI du mois de juin 2022 déjà, nous attirerions l’attention de nos membres sur les mesures envisagées en la matière par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale.

Dans le prolongement, le Conseil consultatif du Logement de la Région a émis un avis majoritairement négatif contre les mesures envisagées.

Le Conseil d’Etat s’est montré tout aussi négatif au sujet de plusieurs de ces mesures, insistant sur la nécessité d’adopter des dispositions pour indemniser les bailleurs.

Nonobstant cela, la majorité bruxelloise, dont font partie DEFI et l’OPEN VLD, entend persévérer et il n’a en rien été tenu compte des critiques tant du Conseil consultatif du Logement que du Conseil d’Etat.

Or, différentes de ces mesures envisagées sont de nature à préjudicier excessivement les bailleurs.

Tout le monde peut bien évidemment être d’accord sur l’adoption de mesures visant à humaniser les expulsions et, contrairement à ce que laisse entendre l’exposé des motifs du projet d’ordonnance depuis 1998, différentes mesures existent déjà :

  • En effet, toutes les requêtes ou citations en matière de contentieux locatifs qui demandent la résolution du bail et l’expulsion des locataires doivent être notifiées au CPAS

  • Une fois les jugements rendus, les huissiers de justice ont l’obligation de notifier aux CPAS les jugements de résiliation de baux avec expulsion

Il n’y a donc rien de neuf et le problème provient du fait que malheureusement les CPAS (sauf exception et nonobstant les délais déjà assez longs des procédures) ne font rien pour venir en aide aux personnes concernées partant du principe que ce sont ces dernières qui doivent les solliciter au nom du respect de la vie privée, de la dignité humaine, etc.

En outre, la seule solution pour éviter l’expulsion, c’est à tout le moins le règlement des loyers en cours, ce que les CPAS ne veulent pas supporter.

Et pourtant, comme justification des nouvelles mesures préconisées, il est remis une couche sur l’intervention des CPAS : « Notre objectif est de permettre aux CPAS d’intervenir proactivement en amont d’une procédure d’expulsion et d’être à même de proposer des solutions aux locataires et aux bailleurs concernés afin d’éviter l’expulsion. Il était donc indispensable de revoir la réglementation dans son ensemble et de mettre en place des solutions justes et solidaires tant pour les locataires que pour les bailleurs concernés ».

Or, dans les mesures retenues, nous ne voyons aucune disposition pour contraindre les CPAS à cette pro-activité, ni d’engagements de mettre à la disposition de ces derniers les moyens humains et financiers pour éviter si pas limiter les expulsions. La Région n’est en outre pas compétente pour leur imposer de nouvelles obligations.

Le SNPC est dès lors particulièrement sceptique quant à l’efficacité de ces mesures qui visent plus à faire perdre trois mois de loyers supplémentaires aux bailleurs concernés. Ce faisant, le Gouvernement bruxellois cherche à remettre en place la fameuse conciliation obligatoire dont les résultats furent nuls durant son existence, les CPAS ne sont pas davantage intervenus.

Volonté manifeste de retarder les procédures au détriment des bailleurs

Alors même qu’ils sont déjà « victimes » de la situation en raison d’arriérés de loyers ayant justifié l’introduction de procédures devant le Juge de Paix, les bailleurs vont voir, à Bruxelles, les procédures, déjà pourtant longues, retardées encore plus.

Certes, l’envoi d’un recommandé un mois avant toute procédure en justice ne pose pas de problème en soi, c’est souvent déjà le cas et dès le premier mois d’arriérés. Le SNPC invitera ses membres à écrire à leurs locataires en défaut pour leur signaler la mise en œuvre prochaine d’une procédure d’expulsion.

Tel sera le cas dès le premier mois d’arriérés pour éviter toute perte de temps. Mais rappelons que la plupart des personnes qui reçoivent un recommandé ne vont pas le chercher…… au même titre d’ailleurs que les plis judicaires.

Par contre, il est inadmissible de vouloir retarder la fixation des dossiers devant le Juge de Paix tenant compte que le SNPC ne connaît pas aujourd’hui de fixation dans les huit jours. Les fixations se font devant les Juges de Paix dans un délais allant de 15 jour à un mois.

Pour quelles raisons porter ce délai à 40 jours ? Nous doutons fort que les CPAS procèdent aux enquêtes sociales envisagées car à l’heure actuelle, la plupart ne font rien et il peut être craint que les rapports (à soumettre aux Juges de Paix) ne soient pas établis dans les délais, avec des demandes de reports de la procédure et les arriérés qui s’accumulent.

En outre, au mépris total de l’équilibre entre les droits respectifs des parties, le juge est invité à statuer sur toute demande relative à un bail en tenant compte des effets de sa décision sur le droit au logement du preneur.

Et qu’en est-il du droit de propriété et du droit du bailleur de pouvoir percevoir ses loyers… ?

Par ailleurs, la résolution du contrat ne pourra être prononcée que si la créance ne peut être apurée dans le respect de délais raisonnables, eu égard à la situation des parties, ou sur le constat que la résolution du contrat constitue une décision proportionnée au regard des manquements qui fondent la demande.

Mais ce n’est pas tout, un fois le jugement rendu, au niveau de l’exécution, différentes mesures sont aussi envisagées pour retarder une expulsion éventuelle.

Ainsi, outre le fait que dans la plupart des cas, l’expulsion ne peut avoir lieu que dans le mois de la signification du jugement, une couche est rajoutée car l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours ouvrables après que l’huissier ait avisé, par courrier, le locataire de la date à laquelle il procédera.

Ce délai de 15 jours peut être interrompu et l’expulsion ne peut avoir lieu si le locataire communique à l’huissier, le cas échéant à l’intervention du CPAS, la preuve d’une solution de relogement qui sera effective au plus tard un mois à dater de l’avis d’expulsion. C’est seulement à défaut pour le locataire d’avoir quitté son logement à la date prévue que l’expulsion pourra être poursuivie.

Par ailleurs, il est manifeste que ces nouvelles règles de procédure sont discriminatoires vis-à-vis des bailleurs. Pourquoi devront-ils envoyer un recommandé un mois avant d’introduire leur procédure et ensuite patienter 40 jours avant que leur affaire soit fixée alors que les locataires pourront quant à eux les appeler immédiatement devant le Juge de Paix, en raison de tel ou tel problème locatif, sans délai et sans mise en demeure préalable ?

Les bailleurs également doivent pouvoir se retourner, organiser leur défense et prendre conseil par exemple auprès du SNPC.

Le moratoire hivernal

Un moratoire hivernal, applicable également au privé s’appliquerait entre le 1er novembre et le 15 mars soit durant 4 mois et demi !

Si, à une certaine époque, ce type de mesures pouvait se comprendre pour des questions climatiques, aujourd’hui avec le réchauffement climatique, il faut nuancer les choses et nous pourrions nous étonner qu’il ne soit pas aussi envisagé des moratoires en périodes de canicule d’autant plus que ces dernières devraient se multiplier dans les prochaines années.

Le moratoire en tant que tel va aggraver de manière conséquente le préjudice des bailleurs concernés :

  • En effet, les procédures sont déjà longues et il faut plusieurs mois pour aboutir à un jugement de résiliation. Ce sont vite entre 3 et 6 mois de loyers qui sont dus.

  • Dès lors, à supposer qu’un bailleur obtienne un jugement au mois de septembre et même avant (les expulsions ne se font pas du jour au lendemain et par exemple à Anderlecht entre la signification du jugement et l’expulsion proprement dite, il faut 6 mois, la Commune ne faisant pas preuve du moindre zèle pour mettre à disposition des huissiers et les policiers voulus), il va nécessairement tomber dans le moratoire.

  • Conséquence aux 6 mois déjà dus avec les mesures visées ci-avant, il faudra rajouter 4 mois demi et plus encore car on voit mal les huissiers dès le 15 mars de l’année suivante procéder à toutes les expulsions en attente... Nous partons dès lors vers 10 à 12 mois d’arriérés pour les bailleurs sans compter les sommes dues dans les immeubles au titre de charges que les bailleurs doivent avancer.

  • Il n’est pas fait état des charges dues par les locataires concernés dans les immeubles.

Pour tenter de faire passer la pilule, un Fonds de solidarité sera mis en place pour indemniser les bailleurs durant le moratoire.

Le SNPC est cependant particulièrement sceptique quant à l’intervention du Fonds de solidarité qui serait censé couvrir les loyers et charges dues durant le moratoire, sur base de quelles modalités, dans quel délai, les moyens qui lui seront affectés seront-ils suffisants etc. ?

Des recours en vue à l’initiative du SNPC

Le SNPC ne compte pas en rester là et un recours devant la Cour constitutionnelle est d’ores et déjà envisagé.


Pour tout contact :

Olivier HAMAL, président du SNPC
olivier.hamal@skynet.be
Tél. 0475/36.09.17

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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