Au moment où le gouvernement Bruxellois met à l'étude la possibilité d'instaurer un encadrement des loyers, il est intéressant d'analyser la situation à Berlin où les pouvoirs publics ont décidé de mettre en œuvre une mesure équivalente.
La ville de Berlin était connue pour ses bas loyers en comparaison avec d'autres capitales européennes du même statut.
Grâce à son statut de capitale du côté de l'Allemagne de l'Est (les logements à Berlin-Est étaient subsidiés à un point qui contribua à la faillite de l'Etat Est-Allemand à la fin des années 80), les loyers y étaient anormalement bas.
Durant les années 90 la population Berlinoise baissait d'année en année et les urbanistes de la ville pensaient que cela allait continuer.
Cependant, bon nombre de nouveaux arrivants et de jeunes allemands furent attirés par leur nouvelle capitale, grâce à une scène artistique florissante et un marché du travail dynamique. En moyenne, chaque année 30 à 40.000 nouveaux Berlinois se sont dès lors installés dans la ville.
Ce qui changea également la donne en matière de prix de l'immobilier et de loyers.
Au lieu d'inciter à l'investissement pour répondre aux besoins de nouveaux logements, le gouvernement Berlinois décida un gel des loyers ciblé.
Ce blocage s'est distingué en deux phases :
La 1ère phase (depuis le 23 février 2020) a instauré un gel des loyers des appartements construits avant 2014 (1,5 millions de logements furent concernés).
La 2ème phase (depuis le 23 novembre 2020) obligea les propriétaires à réduire tout loyer qui dépassait de 20% la grille indicative des loyers fixée par les pouvoirs publics avec des catégories allant de 3,92€ à 9,80€ le m2 dépendant de différents critères.
Le gel des loyers avait de plus un caractère rétroactif puisque les loyers de référence étaient antérieurs à la date d'entrée en vigueur. Les propriétaires ont ainsi été obligés de réduire les loyers à leur niveau au 18 juin 2019, et cela pour une période figée de 5 ans.
Une fausse bonne nouvelle pour les locataires
Les initiateurs de ce type de mesure seront certainement ravis d'apprendre qu'à court terme, la hausse des loyers est freinée. L'Institut Allemand de la recherche économique indique que les loyers des appartements construits avant 2014 accusent une baisse relative de 11%. Toutefois, cette information porte à confusion car il s'agit d'une baisse des loyers en comparaison des autres appartements non-régulés qui eux ont connu une hausse provoquée par cette mesure.
On parle donc bien d'un changement relatif aux autres appartements et non pas d'une baisse absolue des loyers.
Mais à quel prix ?
Ce qui pouvait largement être prévisible est que cette mesure a eu un impact direct et a fortement aggravé la situation du manque d'offre de logements au sein de la ville !
Premier constat
Le nombre d'annonces de logements à louer a baissé de plus de moitié (!), les propriétaires décidant d'occuper le bien, de le vendre ou de le laisser libre en attendant une révision de la mesure.
Deuxième constat
Vu que les personnes cherchant un logement en trouvent moins, elles se déportent sur ce qui est disponible. Le marché non-régulé ainsi que les villes avoisinantes telles que Potsdam ont vu une hausse plus forte des loyers que les autres villes d'Allemagne.
214 candidats locataires par logement mis en location. Le gel des loyers a fait exploser la concurrence entre locataires. Le nombre moyen de candidatures par annonce pour un logement mis en location est du coup passé de 128 en janvier 2020 à 214 un an plus tard.
Troisième constat
Suite à cette mesure les professionnels de l'immobilier ont mis en pause leurs projets de construction.
Peut-on dès lors parler d'une mesure sociale ? La réponse dépendra fortement de la personne à qui vous le demandez. Si vous êtes déjà occupant d'un logement, le gel du loyer sera à court terme le bienvenu, mais le risque est grand que le propriétaire décide de ne plus investir dans la qualité du logement pour recouper ses pertes.
Quant aux personnes à la recherche d'un nouveau logement ? Cette mesure s'apparente à une catastrophe, car elles font face à une raréfaction de l'offre et à une hausse des prix.
Quel est donc l'intérêt d'avoir un loyer gelé si l'on n'arrive pas à se procurer un logement ?
Ce qui est certain c'est que la décision de bloquer les loyers a aggravé le manque de logements à Berlin et a envenimé à grande échelle les relations entre locataires et propriétaires.
Encourageons plutôt que de décourager l'investissement immobilier
A ce sujet, la plupart des professionnels de l'immobilier sont clairs, la tendance à l'augmentation des loyers arrive lorsque la demande de logements croît plus que l'offre. Le meilleur moyen de conserver des loyers à des prix raisonnables restera toujours l'augmentation de l'offre de logements de qualité.