Une majorité régionale alternative propose de renforcer l’encadrement des loyers pour lutter contre les loyers abusifs, en s’appuyant sur la grille indicative des loyers. Cependant, le secteur immobilier est unanimement contre cette initiative, estimant que la grille est obsolète et que cette précipitation pourrait, au contraire, réduire l’offre locative et pénaliser tant les investisseurs que les locataires bruxellois.
Les secteurs concernés appellent les responsables politiques à suspendre cette initiative dans l’attente d’une révision de cette grille de manière approfondie avant toute autre action.
Un très mauvais timing politique
En plein blocage politique et institutionnel à Bruxelles, une majorité régionale bruxelloise alternative PS-Ecolo-PTB entend renforcer l’encadrement des loyers. La nouvelle proposition d'ordonnance, déposée vendredi dernier en urgence, vise prioritairement à lutter contre les loyers abusifs, un but important et parfaitement légitime. Elle entend pour cela confirmer la présomption réfragable de loyers abusifs pour ceux qui présentent une différence de 20% par rapport aux loyers repris dans la grille des loyers, ainsi que le droit du preneur pour solliciter une révision du loyer auprès de la Commission Paritaire Locative (CPL) invoquant cette présomption réfragable.
Selon les acteurs du secteur immobilier dans son ensemble (l’UPSI, Embuild Brussels, le SNPC, CIB et Federia), la proposition engendrera un effet opposé à celui souhaité en mettant encore plus de pression sur le marché locatif.
Un outil de référence obsolète
L'argument majeur contre cette proposition réside dans le fait que la grille indicative des loyers, sur laquelle se baserait le nouveau dispositif, n'a pas été révisée de manière approfondie depuis 2022 et ne tient pas compte de la pression forte sur le marché locatif ces dernières années. Il existe donc un large consensus sur la nécessité de mettre à jour cet outil avant d'envisager toute mesure renforçant la grille des loyers comme outil de référence pour déterminer le niveau de loyer à Bruxelles. En outre, la Commission Paritaire Locative vient de débuter ses travaux, nous conseillons donc de patienter et ne pas en tirer des conséquences hâtives (à ce jour un seul cas de loyer abusif sur seulement 3 dossiers traités).
Investisseurs et locataires seront pénalisés
Baser un arsenal de droits et obligations sur un outil potentiellement biaisé et obsolète serait non seulement inefficace, mais pourrait surtout avoir des conséquences néfastes sur le marché du logement bruxellois. La majorité des Bruxellois.es sont locataires, en effet 54% de la population fait appel au marché locatif privé. Le renforcement de l’encadrement fera fuir les bailleurs-investisseurs, qui jouent un rôle important dans la production de logements locatifs. Il est utile de rappeler qu’à Bruxelles trois quart des logements privés mis en location appartiennent à des petits propriétaires (moins de 5 logements en portefeuille).
Par ailleurs, la mise sur le marché de nouvelles unités de logements est déjà sur une pente descendante depuis plusieurs années. Cette tendance est loin de s’inverser ces derniers mois étant donné que durant le premier semestre de 2024 seulement 1.179 logements neufs se sont vus accorder un permis. Une baisse significative de presque 40 % par rapport à 2023.
Au final, l’impact se ferait inévitablement au détriment de tous les locataires à Bruxelles avec une diminution tant qualitative que quantitative de l’offre.
Appel à la responsabilité
Nous appelons les décideurs politiques à faire preuve de responsabilité et à suspendre cette démarche précipitée. Il est nécessaire d’attendre la formation du nouveau gouvernement bruxellois pour procéder à une révision complète et objective de la grille indicative des loyers. Ce n'est qu'à cette condition et suite à une concertation avec l’ensemble des acteurs économiques du secteur, qu’une lutte contre les loyers abusifs pour un marché locatif équilibré pourra être envisagée dans l'intérêt de tous : locataires, propriétaires et investisseurs.